« Docteur » Katsuzo Nishi : fondateur de la méthode de santé Nishi Shiki

18 Mar, 2024
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Dans notre exploration historique des différents mouvements de santé naturelle japonais, nous vous présentons la méthode du « Docteur » Katsuzo Nishi (勝造 西1884-1959). Le Shiatsu s’est développé entre 1919 (les premiers pas de Tenpeki Tamai) et sa reconnaissance officielle dans les années 60. Afin de mieux comprendre son évolution, explorons les personnages de la santé, innovateur, chercheur et créateur des techniques du Japon de cette période afin d’avoir une meilleure vision des influences et des croisements techniques qui ont pu se faire alors. Après avoir parlé du Dr Hirata, voici un autre apport intéressant bien qu’indirect, celle du Dr Nishi : une personnalité aussi riche qu’importante dont l’œuvre en matière de santé aura de nombreux adeptes.


Une santé fragile

Katsuzo Nishi est né le 15 mars 1884 dans la préfecture de Kanagawa. Troisième fils originaire d’une famille de classe moyenne, le jeune Katsuzo vit une enfance confortable. Mais de faible constitution, Katsuzo souffre de problèmes intestinaux et pulmonaires dès son enfance. En raison de la circonférence insuffisante de sa poitrine, il se voit refuser l’examen d’entrée au collège. Ne pouvant suivre un cursus scolaire normal, Katsuzo est embauché dans un magasin tenu par un membre de sa famille à Yokohama.

Le jeune garçon travaille aussi dur que son corps lui permet et s’alimente avec la nourriture la plus riche possible. Malgré tous ses efforts, son état de santé général se dégrade vers l’âge de treize ans.

Souffrant de dyspepsie, Katsuzo et ses parents consultent plusieurs médecins sans succès. Le professeur Masayoshi Sasaki, très populaire à cette époque, le déclare même perdu et prédit à ses parents qu’il ne dépassera pas l’âge de vingt ans.

Suite à ce diagnostic pessimiste, ses parents décident de l’envoyer à Kamakura, dans un monastère bouddhiste pour améliorer sa santé. Le jeune Nishi y passe trois années à apprendre différentes techniques de méditation tout en étudiant en parallèle une école de sabre.

Son état de santé reste stationnaire durant cette période, jusqu’à ce que son système digestif soit atteint par le trop grand nombre de médicaments prescrits auparavant. Katsuzo se retrouve de plus en plus amaigri et voit sa vitalité diminuer malgré le changement de traitement médical. Pas un hiver ne se passe sans qu’il souffre de catarrhe de la gorge ou d’amygdalite.

Prêt à tout essayer pour améliorer sa santé, Katsuzo consulte de très nombreux ouvrages médicaux contemporains ainsi que d’anciens traités de médecine orientale et européenne. Faisant preuve d’une grande détermination et de facilités linguistiques, le jeune garçon âgé de seize ans, apprend plusieurs langues de façon autodidacte. Convaincu que la science médicale de l’époque ne peut guérir ses maux, il entreprend de manière indépendante d’étudier et de mettre en pratique environ trois cent remèdes populaires et méthodes de santé, traditionnelles et modernes, orientales et occidentales.

Ses recherches lui permettent finalement de se rétablir. Agé d’une vingtaine d’année, le jeune Katsuzo a mis au point sa propre méthode de santé.

Ingénieur en génie civil

Après quelques années de relative tranquillité au niveau de sa santé, Katsuzo désire reprendre ses études. Souhaitant suivre une formation professionnelle adaptée à sa fragile condition, il se tourne vers une école technique d’ingénieur en 1904.

Après l’obtention de son diplôme, Katsuzo décroche un emploi d’ingénieur dans la société minière Mitsui. Il est ensuite envoyé dans la préfecture de Fukuoka sur le site de Miike, la plus grande mine de charbon du pays.

Après un intermède d’un an et quatre mois à Tokyo, dû à son service militaire obligatoire, Katsuzo est transféré à la mine de Yamanobe. En février 1907, il prend pour épouse Saeko.

En avril 1909, il intègre la toute nouvelle école des mines Meiji de Tobata. Après quatre années de formation au sein de cet institut technologique, Katsuzo est missionné pour travailler dans la mine de charbon de Matsushima. Dans cette mine située dans une baie, il travaille sur les techniques d’arpentage des fonds marins et d’excavation par injection de ciment.

Nishi effectue son premier voyage aux U.S.A. en aout 1916. Désireux de poursuivre ses recherches en génie civil, il part vivre sur la côte Est des Etats-Unis en 1918. Il intègre le département des sciences minières de la prestigieuse université privée Columbia de New York.

Père du métro de Tokyo

A son retour au Japon en janvier 1919, il est nommé responsable en chef de la mine de charbon de Fukuoka.

Sa formation en occident lui a permis d’approfondir ses connaissances dans l’ingénierie des tunnels et des ponts mais également dans le trafic urbain en Europe et aux Etats-Unis.

Katsuzo présente les dernières avancées en méthode de construction civile à la mairie de Tokyo. Séduit par ses éléments novateurs, les élus tokyoïtes le nomment ingénieur en chef du premier projet de voie ferrée souterraine du pays en février 1921.

Véritable pionnier technologique des chemins de fers surélevés, surnommé « le père du métro de Tokyo », Katsuzo Nishi dirige la conception de la ligne Ginza, jusqu’à son inauguration en 1927.

La méthode de santé Nishi

Katsuzo fait le choix de démissionner de son poste d’ingénieur à la mairie pour se consacrer à ses recherches sur la santé en septembre 1933.

Il fonde la société Nishi et en devient le président. Katsuzo publie sa propre méthode de santé qu’il nomme Western Health Act (loi sur la santé de l’ouest).

Fort de ses expériences scientifiques sur la dynamique du corps humain, sa méthode est le fruit de ses connaissances en mécanique et en physique approfondis durant sa formation d’ingénieur.

Abordant les causes de la maladie plutôt que leurs conséquences, Nishi met au point une méthode de renforcement globale de la santé où ses prescriptions couvrent plusieurs domaines tel que la nutrition, l’alimentation, l’exercice physique, la respiration, l’hygiène ou encore le sommeil.

Jouissant d’une solide réputation professionnelle, les théories originales et les exercices élaborés par le docteur Nishi rencontrent un succès immédiat à travers tout le pays.

Quatre éléments, six exercices

Pour lui, chaque être humain est un tétraèdre vivant, dont la santé dépend de quatre éléments fondamentaux : l’état et la fonctionnalité de la peau, la qualité de la nourriture, l’état et la fonctionnalité des membres et l’état psychologique.

Nishi est parti du postulat que la structure osseuse et le positionnement des organes internes de l’homme sont fondamentalement les mêmes que ceux des mammifères à quatre pattes (horizontal) mais que notre style de vie bipède (vertical) impose certaines contraintes structurelles à notre squelette. Ces dernières entraînant des problèmes tels que l’obstruction du flux de nourriture dans l’intestin (constipation) ainsi qu’une mauvaise circulation sanguine et lymphatique dans les vaisseaux des quatre membres.

Souhaitant compenser ces « défauts structurels », il met au point six exercices de base dans le but de redresser la colonne vertébrale (Heisho, Koshin et Kingyo Undo), activer les capillaires (Mokan Undo) et renforcer la santé générale (Gassho Gasseki Undo et Hifuku Undo).

Enfin, il encourage le régime végétarien, la consommation de légumes crus et la pratique du jeûne pour compléter sa thérapie intitulé « Nishi Shiki ».

La rencontre avec Morihei Ueshiba

Portant intérêt aux méthodes d’augmentation et de préservation du potentiel corporel, Katsuzo Nishi est naturellement attiré par les arts martiaux.

C’est par l’intermédiaire de Hakurei Kurihara, un membre de l’Omoto-Kyo, que Katsuzo Nishi entre en contact avec Morihei Ueshiba dans le milieu des années vingt.

Souffrant de problèmes gastriques devenus chroniques, Ueshiba sensei recherche son aide pour remédier à ses problèmes de santé.  

Par la suite, un lien fort s’installe entre les deux hommes, Nishi étudiant directement auprès du fondateur son art, qu’il estime analogue à ses propres théories (respect des lois naturelles, position du triangle équilatéral…).

Premier ouvrage en anglais

Célèbre dans tout l’archipel nippon, le docteur Nishi donne une conférence, en juillet 1936, au département de la construction navale de la Mitsui Bussan Kaisha, devant six mille auditeurs.

Au cours de cette même année, il publie son premier ouvrage en langue anglaise intitulé « Nishi System of Health Engineering » que nous détaillerons dans un prochain article.

Ce livre, qui présente son travail et sa méthode, rencontre un grand succès et sera même réimprimé à plusieurs reprises au cours des décennies suivantes.

Nishikaï et Aikikaï

Après les terribles ravages de la Seconde guerre mondiale, le Japon cherche à se reconstruire. Membre du directoire de la fondation Kobukaï, Katsuzo Nishi joue un rôle déterminant dans la renaissance de l’Aïkido d’après-guerre. Tout d’abord, il conseille à Kisshomaru (fils du fondateur Morihei Ueshiba) de redémarrer l’activité du dojo de Tokyo.

Katsuzo participe ensuite aux réunions de travail organisées pour reconstruire le dojo et demander sa réouverture aux autorités. Fruit des précieux efforts du docteur Nishi et des hommes d’affaires Kinya Fujita, Seiichi Seko et Koshi Nakayama, le ministère de l’éducation autorise le rétablissement du Kobukan le 9 février 1948.

Dans cette période d’après-guerre, les conditions de vie sont encore difficiles. Il n’y a que peu d’élèves inscrits au Hombu, généralement des étudiants de l’université de Waseda et de la Nishikaï, l’organisation du docteur Nishi.

Katsuzo participe activement au rayonnement de l’Aïkikaï. En 1950, il donne une conférence au Hombu dojo intitulée « l’Aïkido et la santé selon la méthode Nishi »

A la source de l’Aïki-Taïso

Pratiquant avancé, Katsuzo Nishi enseigne également au Hombu Dojo. A cette époque, presque tous les membres de l’Aïkikaï suivent les méthodes de santé de Katsuzo Nishi ou de Tempu Nakamura, le fondateur du Shinshin Toitsu Do.

Au cours de cette période de développement de l’art auprès du grand public les responsables techniques du Hombu, Koichi Tohei en tête, sélectionnent des mouvements préparatoires étroitement liés aux techniques de l’Aïkido. De nombreux pratiquants sont ainsi initiés aux exercices du Nishikaï, du Tempukaï et de l’école Makko-Ho.

O Sensei vieillissant, intègre également dans sa gymnastique quotidienne des pratiques de santé, du docteur Nishi, tels que les exercices Mokan Undo ou encore Kingyo Undo (mouvement du poisson), exercice qu’il affectionne particulièrement.

Rayonnement en occident

Au cours des années cinquante, le docteur Nishi continue de voyager à l’étranger pour distiller ses conférences sur l’hygiène et la santé. Il effectue plusieurs tournées aux Etats-Unis et à Hawaï ou ses préceptes font de nouveaux adeptes parmi la diaspora Japonaise. Il visite le Brésil, pour la première fois, en 1953, rencontrant un vif succès.

Devant une demande de plus en plus importante de ses partisans occidentaux, ses écoles Nishikaï d’Hawaï et du Brésil contribuent à la traduction de ses ouvrages en anglais et en portugais.

Par ailleurs, le judoka et aïkidoka français, André Nocquet étudie les disciplines de santé japonaises directement auprès de Katsuzo Nishi et le Shiatsu auprès de Tokujiro Namikoshi lors de son séjour au Hombu Dojo de Tokyo de 1955 à 1957. En retour, le docteur Nishi lui demande d’introduire ses méthodes d’hygiène japonaise, dans les organismes officiels français de massage et de gymnastique médicale.

Dernières années

Malgré le décès de son épouse en 1950 et l’âge avançant, l’activité du docteur Nishi ne faiblit pas. Professeur à l’université féminine Sagami, poursuivant ses recherches et ses expériences, il continue de parcourir le Japon pour donner des conférences dans des universités, des entreprises ou encore au ministère de la santé.

Le 21 novembre 1959, Katsuzo Nishi succombe à une intoxication à l’arsenic, suite à une expérience médicale pour blanchir la peau. Il s’éteint à l’âge de 75 ans.

Ses funérailles ont lieu au temple bouddhiste Tsukiji Hongan-Ji, de Tokyo, en présence de maître Ueshiba et de plusieurs personnalités politiques, militaires et universitaires.

Sa succession est assuré pour son fils Daisuke jusqu’en 1988 et la prise de fonction de son petit-fils Manjiro, actuellement instructeur en chef du Nishikaï de Tokyo.

(à suivre : la méthode Nishi Shiki)


Auteur

Nicolas de Araujo

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