Interview de Nobuyuki Takeuchi : fondateur du Yin Shiatsu

24 Fév, 2021
Reading Time: 19 minutes

Encore assez peu connu en Europe, le Yin Shiatsu commence à se faire un nom. Mais à l’origine de ce nom il y a un homme et pas des moindres : Nobuyuki Takeuchi senseï. On peut facilement penser à lui comme étant un samouraï des temps modernes, intransigeant sur le comportement, l’engagement et l’étude, valeurs qu’il applique en premier lieu à lui-même. Mais les propos qu’il tient dans cette interview sonneront juste à tous les praticiens qui se sont engagés dans le Voie du Shiatsu. Rencontre avec un maître, dans tous les sens du terme.


Ivan Bel : Bonjour senseï. Merci d’avoir accepté notre invitation pour cette interview. De quelle région du Japon et de quel milieu êtes-vous originaire ?

Nobuyuki Takeuchi : Je suis né dans la préfecture de Fukushima, au lieu-dit de Yoshimaruyama. J’ai grandi dans une famille paysanne et j’étais le cadet d’une fratrie de 3 fils.

À quel moment de votre vie vous êtes-vous intéressé aux arts thérapeutiques ?

C’est vers l’âge de 18 ans. À cette époque j’avais entrepris l’étude des arts taoïstes notamment au travers de la pensée du Lao-Tseu et du Tchouang-Tseu.

Vous avez été initié à la pharmacopée, à la médecine Kanpo et à l’acupuncture ? Quels souvenirs gardez-vous de ces années d’apprentissage ?

C’est à cette même période que j’ai commencé à étudier auprès de mon oncle. C’était quelqu’un d’admirable. Cependant, mon affinité avec la pensée taoïste m’amenait à remettre en cause le Shiatsu tel qu’il existait.

Dans l’objectif de développer mon Ki pour diagnostiquer et traiter les patients, je jeûnais 2 jours par semaine et je pratiquais quotidiennement le zazen. Je me consacrais également au Fukukihō (服気法)[i], une des trois techniques de respiration du Qi Gong.

Depuis lors et pendant 30 ans, j’ai poursuivi cette routine quotidienne.

Vous avez fondé la clinique “Akahigedo”, ce qui se traduit par “Pavillon de Barbe Rousse” en 1978. Est-ce en référence au film de 1965 d’Akira Kurosawa et son film Barberousse[ii] ? En quoi ce personnage vous a inspiré ?

Barberousse joué par Toshiro Mifune dans le film d’Akira Kurosawa. Tous praticiens devraient avoir vu au moins une fois ce film magnifique.

Le personnage de “Barbe Rousse” est un médecin de la période d’Edo qui a réellement existé[iii], une sorte de Robin des bois de chez vous. C’est avant tout son attitude, son état d’esprit qui m’a inspiré. La souffrance du patient, si elle n’est pas guérie, devient ma propre souffrance.

Il me faut donc travailler sur moi, à travers la pratique du jeûne par exemple et ma propre détermination pour pouvoir y répondre. C’est la Voie du Bushido.

En quelle année avez-vous créé votre propre style baptisé “Yin Shiatsu” ? Quelles sont les particularités de votre méthode qui le différencie des autres courants existants ?

À 29 ans, dans ce contexte, j’ai pris la décision que si dans l’année je ne parvenais pas à accomplir ma propre Voie par la réalisation d’une technique d’exception, autant me suicider comme l’a fait l’écrivain Mishima[iv].

Cette détermination extrême m’a amené à fonder le Yin Shiatsu tel qu’il existe actuellement. J’ai formalisé une approche différente du Shiatsu existant alors au Japon, permettant notamment de traiter par des points distaux, sans toucher directement les zones affectées ou en reliant les zones du corps par similitude de forme.

Traitement d’un sportif de haut-niveau à la clinique Akagahigedo. (c) Nourit Masson-Sekine

Justement pendant des années vous avez fait des recherches qui ont abouti à une théorie intéressante : la relation triangulaire. Pourriez-vous nous l’expliquer s’il vous plaît ?

Selon moi, les origines du Shiatsu sont très anciennes, bien avant l’ère chrétienne. La théorie de la relation triangulaire, qui est à la base du Yin Shiatsu m’est apparue, comme une inspiration, suite aux pratiques régulières de jeûne et de purification en plein air dont je vous ai parlé.

Cette intuition m’a amené jusqu’à revoir la théorie des méridiens préexistante. C’était très émouvant pour moi, car rien de tout ceci n’était mentionné dans les textes fondateurs tels que le Huangdi Nei Jing par exemple.

Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à vous rapprocher de Mehdi et Misako[v] qui résident à Strasbourg et qui ont bénéficié de mon enseignement. Et vous aurez également l’occasion d’approfondir le sujet si je viens en France ou si vous venez vous-même à Tokyo.

Quelle est votre conception de la maladie ?

Ma conception de la maladie vient de la pensée bouddhiste “In Ga Ron” (因果論). Il s’agit de la “Loi de Causalité” ou “Loi de Cause à Effet”, la notion de Karma peut éventuellement en être l’aboutissement. Par cela j’entends qu’une Cause mène à un Effet mais le “En”(縁) entre en jeu dans ce mécanisme. “En” peut se traduire par destin/destinée, par chance/occasion. “En” c’est aussi le bon endroit au bon moment avec la bonne personne. Dans le contexte présent, il s’agit plutôt du choix de l’individu devant des occasions, des opportunités qui s’offrent à lui et qu’il va ou non saisir.

Aussi, la même réflexion peut s’appliquer à la maladie. Il est important lors de l’apparition d’un symptôme d’identifier la cause, la source du problème. Cependant, il est également essentiel de discerner les choix de vie qui ont amené une personne vers un déséquilibre et les choix qui lui permettront de retrouver l’équilibre juste.

Par exemple et en simplifiant, si un patient a un risque d’obésité, il est possible qu’il ait une prédisposition génétique au surpoids. Le choix du patient pour détourner ce qui paraît être une fatalité serait de ne pas s’adonner aux excès alimentaires et de veiller à mieux se sustenter.

On peut trouver une multitude d’autres exemples à ce sujet.

Pour le dire autrement, au cours d’un traitement on se concentre souvent sur les causes et leurs effets symptomatiques. Mais rares sont ceux qui tenteront d’aborder les actes, les motivations et les “pensées négatives” du patient. Agir sur son propre comportement et ses choix de vie, là est la clef, le levier pour modifier son destin.

Pour comprendre ce principe de “En”, il faut avoir conscience de l’existence de notre libre arbitre (自由意志)[vi]. Par cela, j’entends qu’on peut choisir soi-même, avec notre cœur, notre conscience, ce qui est bon ou mauvais, juste ou faux, positif ou négatif pour nous.

Takeuchi senseï. (c) Nourit Masson-Sekine

Votre traitement est pluridisciplinaire : acupuncture, Shiatsu, plantes médicinales, etc. Pourquoi ce choix alors que la plupart des acupuncteurs par exemple se contentent uniquement des aiguilles ?

Beaucoup de patients viennent tous les jours avec des pathologies diverses et variées : dépressions, cancers, eczémas atopiques, asthme, maladies gynécologiques, maladies infantiles…. Les traitements de ces maladies sont donc des défis très sérieux et si l’on ne traite que par une technique : juste avec de l’acupuncture, juste avec du Shiatsu ou juste par des conseils diététiques, cela ne suffit pas toujours. J’adapte le traitement en fonction de ce qui est nécessaire, en fonction des priorités et spécificités de chaque cas.

C’est pour cette raison que l’Akahigedo offre un panel complet de soins. Pour moi, ce qui est important c’est le résultat. Je n’ai aucune excuse si je ne parviens pas à soigner une personne. C’est ma façon de vivre.

Vous êtes un expert reconnu en médecine chinoise et avez invité de nombreux spécialistes chinois du Qigong et de l’acupuncture. Vous avez également fait plusieurs séjours en Chine pour étudier plus profondément ces approches médicales. Par ailleurs, vous avez été formé au Japon, notamment en médecine Kanpo. Selon vous, quelles sont les différences entre les Chinois et les Japonais dans l’approche de la médecine orientale ?

En effet, j’ai été en Chine à de multiples occasions et j’ai été rencontrer de nombreux maîtres proclamés, au Japon également. Je pense malheureusement qu’aujourd’hui, les senseïs Chinois ou Japonais sont en général peu rigoureux… J’ai observé qu’ils sont trop souvent satisfaits du résultat de leurs soins même si le patient n’est pas guéri. La suffisance et le désir de reconnaissance à l’œuvre semblent trop souvent écarter le médecin de ses objectifs initiaux. Daruma (ou Bodhidharma)[vii] disait face à l’empereur Han Wudi[viii] qu’il n’y a aucun mérite à faire le bien si on attend de la reconnaissance en retour.

Il y a pourtant une autre manière de vivre. Je suis intransigeant avec moi-même. Et de ce fait, c’est un défi qui m’incombe de parvenir à soulager celles et ceux qui souffrent, de parvenir à les soigner. C’est pourquoi je traite avec tous les moyens possibles. Vous me considérez peut-être comme un thérapeute quelque peu ennuyeux…

Bien au contraire, je trouve cela passionnant ! Pour en revenir au Qi gong, cet art de l’économie de l’énergie, pourriez-vous nous dire comment il nourrit le praticien de médecine orientale et ce que cela vous apporte dans votre quotidien ?

Quelqu’un qui pratique et vit en tant que praticien de médecine orientale se doit d’apprendre et d’approfondir son Qi Gong. Cela requiert une pratique stricte et ardue qui ne correspond pas forcément à la réalité de notre époque. Bien peu suivent cette voie en se confrontant réellement aux difficultés qu’elle impose. De ce fait, peu d’enseignants prennent la peine de transmettre le vrai Qi Gong, n’est-ce pas ?

Pourtant, l’utilisation du Ki est un outil formidable, dans le diagnostic et le traitement. Le Qi Gong amène à des résultats fabuleux ! Il me permet de percevoir le patient dans la « profondeur de son être » (心の中) et d’entendre la “voix du Ciel” (天の声). Sans réellement le pratiquer, on ne peut pas devenir un bon praticien.

Takeuchi senseï et son maître de Qigong, Shen He Yang. (c) Nourit Masson-Sekine

J’utilise le Qi Gong thérapeutique sur les patients, ce qu’ils dégagent me permet de confirmer ou compléter mon diagnostic. Cela m’informe sur la gravité de l’état du patient, le stade de sa maladie, mais aussi sur son état d’esprit ou sur l’énergie vitale en réserve dans le corps. De ce fait, ces indications peuvent être importantes dans le cas du traitement des cancers, d’Alzheimer, des maladies cardiovasculaires, etc. Le mois dernier, en novembre 2020, nous avons d’ailleurs eu des résultats très encourageants sur 3 patientes atteintes du cancer du sein et 2 patients de plus de 90 ans atteints d’Alzheimer.

Cette clinique est un lieu d’accueil des patients, mais elle est aussi considérée comme un dojo, un lieu de pratique et de formation des thérapeutes. Vous gardez ainsi vivant l’esprit traditionnel qui considère les arts thérapeutiques comme des voies (Do) et non comme des techniques (Jutsu). Dans leur apprentissage, vous semblez porter beaucoup d’attention à la rigueur morale. Quelle est l’implication de cette rigueur dans la formation de vos praticiens ?

La question est difficile… Tout dépend de l’exigence du disciple envers lui-même, de la patientèle qu’il souhaite traiter et du type de thérapeute qu’il souhaite devenir.

Il peut y avoir un décalage entre ce que je lui inculque et ses propres attentes.

Je sais que la voie du Bushido, cette forme traditionnelle, radicale et sacrificielle, peut aujourd’hui être perçue comme du “harcèlement moral” dans le monde contemporain. À l’heure actuelle aucun disciple ne le souhaiterait, je pense…

Alors, je m’adapte, sans abdiquer pour autant et je poursuis tous les jours mon enseignement du mieux que je peux.

Quoi qu’il en soit, c’est également le rôle du thérapeute d’accompagner les patients afin qu’ils acquièrent ce sens moral.

Quelles autres qualités doit avoir un thérapeute selon vous ?

Bien sûr cette question est très importante. À l’origine c’est par l’étude des arts taoïstes que j’ai fait mon apprentissage. C’est une Voie du Cœur d’une grande profondeur et par laquelle on peut développer les qualités requises. Il y a une expression : “Shin Sui no Rō” (新水の労), que l’on peut traduire par : “aller chercher l’eau demande de l’effort”. Ce qui signifie que dans la vie quotidienne, il est important de faire des efforts pour servir autrui. Je demande également aux disciples de savoir mettre de côté leur égo pour pouvoir assimiler mon enseignement, suivre la même voie que moi. Mais l’époque est maintenant bien différente d’il y a même 30 ans. Cela ne fonctionne pas comme avant.

Portrait de Takeuchi senseï en 1986 (c) Nourit Masson-Sekine

Cela dit, il m’arrive moi-même de décider d’aller nettoyer les toilettes publiques et je demande à mes disciples de se joindre à moi. On le fait pour rien. On le fait pour ne pas oublier d’où l’on vient et rester humble. Voilà aussi, pour répondre à votre question, les qualités à entretenir pour laisser la place à l’autre, au patient notamment. Bien sûr nous parlons de rigueur morale, mais rire est aussi important. Je demande aux thérapeutes de savoir incarner un personnage pour qu’il puisse faire rire les patients tout en restant respectueux.

Quels arts martiaux avez-vous étudiés ? Pendant combien de temps ?

J’ai étudié le Kendo, le Iaïdo ainsi que le Karaté d’Okinawa (Goju Ryu) pendant respectivement 3 ans, 10 ans et 20 ans. Je ne me souviens plus clairement du nom des enseignants de l’époque.

Je suis également un pratiquant de kenjutsu, aussi je comprends bien la relation très particulière que l’on peut avoir au sabre. Mais les lecteurs ne sont pas tous dans ce cas. Pourriez-vous me dire quels enseignements vous avez tirés de l’art du sabre. Comment les appliquez-vous dans votre pratique médicale ?

En médecine orientale, on utilise terme “Bōshin” (望診) pour parler du temps d’observation face au patient. Il fait partie des 4 arts du diagnostic : écouter, regarder, demander, toucher. C’est vraiment une technique très importante et qui peut atteindre un niveau quasi divin.

On retrouve des équivalents en Iaï, au travers notamment du concept de “Marobashi” [ix]. Un travail en harmonie avec la nature, libre et sans forme, qui s’adapte à chaque situation. Pour pouvoir l’appliquer, il est important de ne pas avoir d’intention fixée à l’avance et de faire face à chaque situation d’une manière neutre afin de percevoir les changements constants de la personne en face. Là aussi le “Bōshin” est présent.

On peut également parler du “Ai-Nuke” (相秡) que l’on peut traduire par “préservation mutuelle”. Lorsque les adversaires mettent fin à leur rencontre avant même de combattre, par respect envers l’autre et pour la Vie en général.

Ces concepts ont pour point commun la nécessité d’être en harmonie avec la “volonté du Ciel/de l’Univers” (天の意志). Ils sont du domaine de la reconnaissance et de l’acceptation de l’autre. En d’autres termes, c’est par la voie de l’illumination. En intégrant dans notre vie quotidienne les 6 vertus de Bouddha :

  • générosité
  • intégrité
  • discipline
  • patience
  • persévérance
  • et absorption méditative par la connaissance transcendante.
A droite Takeuchi senseï expliquant les points et leur traitement en Yin Shiatsu. (c) Akahigedo

Je parlais auparavant de la maladie, elle peut justement venir de la négligence de ces vertus. Si elles ne sont pas intégrées dans nos valeurs. Des émotions négatives telles que la colère, la cupidité en sont le germe. La pratique du sabre peut donc influencer la pratique médicale au travers de cette dimension éthique et du rapport à soi et à autrui. Elle permet également de garder un ancrage dans le temps et de débarrasser son corps et son esprit du superflu.

J’ai des amis experts en Iaï et en Yabusame[x]. Si vous venez au Japon, je vous les présenterai et vous pourrez en faire l’expérience.

Ce serait avec plaisir ! Vous avez été un adepte de Misogi, la purification du corps par l’eau. Vous pratiquez également la calligraphie qui est un art très exigeant. Ces techniques sont toutes issues de la tradition japonaise. Quelle place cela occupe dans votre vie et dans votre pratique ?

Je ne pratique plus actuellement le Misogi, mais, sous d’autres formes, je pratique tous les jours des exercices de purification du corps et de l’esprit.

Concernant l’art de la calligraphie, il existe depuis longtemps au Japon, mais beaucoup de courants sont seulement des pratiques qui se concentrent sur la technique, sur la performance esthétique.

Beaucoup de calligraphies sont en effet très belles, mais il manque cette dimension du Ki. Je pense qu’il est difficile d’atteindre “l’harmonie de l’âme/esprit » (魂の調和)[xi] par ce biais. La calligraphie qui n’est pas enrichie de cette dynamique ne s’harmonise pas avec l’univers.

Or, la façon dont j’aborde la calligraphie vient de ma pratique du Qi Gong. Elle se fait alors en connexion avec la “Voie du Ciel” (天の道). C’est par cette synergie, par inspiration que les idéogrammes me viennent, je ne sais pas au préalable ce que je vais faire et il m’est même parfois difficile de déchiffrer ce qui en résulte !

Alors, comment arriver à cette harmonie ? Là encore, je pense que la pratique du Qi Gong ouvre cette voie.

Que constatez-vous comme évolution des pathologies au Japon ? En France nous avons vu une nette augmentation des problèmes articulaires et des burn-out. Mais les gens ne veulent plus seulement être soulagés, mais aussi comprendre pourquoi ils ont mal. Est-ce votre cas ?

Les patients japonais ne sont en fait pas bien différents. Le problème pour nombre d’entre eux vient de leur alimentation : les huiles, les graisses et les sucreries qu’ils consomment régulièrement. S’ils n’en prennent pas conscience, on ne peut pas obtenir des résultats satisfaisants.

Ces dernières années, nous retrouvons quasiment toujours les mêmes symptômes relatifs à :

  • Une hyperperméabilité intestinale (“Leaky Guts Syndrome”) ;
  • Une hyperperméabilité de la barrière hémato-encéphalique (“Leaky brain Syndrome”).

C’est très intéressant, merci pour ces informations. En Europe, la dimension énergétique du Shiatsu et des arts du soin sont très en vogue. Selon vous, est-ce que l’utilisation des méridiens et du Ki est la seule chose à connaître pour pouvoir soigner une personne de manière naturelle ?

Je ne pense pas qu’il n’y ait qu’une seule chose.

En dehors des méridiens et du Ki qui sont des notions peu familières pour la majorité des gens, ce qui est important est : ce que la personne dit de ce qu’elle ressent, comment elle pense, la façon dont elle perçoit les choses (心のあり方)[xii]… Tout cela est à prendre en compte.

C’est également vivre avec le respect d’autrui et savoir porter ses erreurs/défauts (恥を知る心)[xiii] comme le faisaient Japonais d’antan. Il y existe des expressions comme :

  • 自らじるという言い方もありま : reconnaissance de ses torts
  • 自らを恐れるという言葉 autocritique
  • 自らを慎むという言葉  : retenue et modération
  • 自らを戒めていく心  : autodiscipline

Je suis constamment conscient que c’est là le moteur du soin.

Panneau de bois à l’entrée de la clinique. (c) Mehdi Abid

Je vais maintenant vous poser une question qui pourrait être simple, mais qui ne l’est pas : selon vous, qu’est-ce qu’un méridien et qu’est-ce que le Ki ?

Je pense que l’on peut faire la comparaison entre ce qui existe dans le corps humain et les réseaux ferroviaires. Les méridiens sont comme les rails du train, le Ki le courant électrique qui le fait fonctionner.

Ce sont des notions qui peuvent être facilement démontrées lors d’un traitement à la clinique. Le corps humain est vraiment extraordinaire…

Pour conclure cet entretien, quels sont les conseils que vous prodiguez à vos étudiants, que doivent-ils faire pour qu’ils arrivent à pratiquer longtemps, pendant des dizaines d’années, sans s’épuiser.

Ressentir de la gratitude est très important.

Il est nécessaire de savoir être reconnaissant et de demander pardon à ses parents. Réfléchissez à ce que vos parents vous ont apporté et ce que vous leur avez donné en retour, quel tort vous avez pu leur causer.

Lorsque vous aurez réalisé tout cela, votre vraie nature/énergie véritable apparaîtra et vous aurez alors toutes les ressources nécessaires pour pratiquer.

(c) Nourit Masson-Sekine

Je terminerai par cette expression, sur laquelle je vous invite à réfléchir :

我以外全て師

Ware igai subete shi

Tout sauf soi est maître

Je vous remercie.

C’est moi qui vous remercie senseï pour votre temps et d’avoir bien voulu répondre à mes questions.

Auteur : Ivan Bel


Remerciements :

Je tiens particulièrement à remercier les personnes suivantes pour m’avoir mis en relation avec Takeuchi senseï, pour avoir parlé avec lui, fait préciser sa pensée, traduit du japonais au français et fourni les photographies :

  • Mehdi Abid
  • Misako Sekine
  • Nourit Masson-Sekine

Notes :

  • [i] Fuku ki-hō (服気法) : littéralement la « technique de l’habit de Ki ».
  • [ii] Pour en savoir plus sur cet excellent film, consultez la fiche sur allociné.
  • [iii] Barberousse…
  • [iv] Yukio Mishima (三島 由紀夫) écrivain japonais né en 1925 et qui fut le dernier japonais à se suicider par seppuku (ouverture du ventre au sabre) en 1970. Il est l’auteur de nombreuses poésies, romans et pieces de théâtre.
  • [v] Mehdi Abid et Misako Sekine sont les représentants du Yin Shiatsu en France. Pour en savoir plus sur Mehdi Abid, lire son interview sur France Shiatsu. Pour en savoir plus sur Misako Sekine, allez sur son site.
  • [vi] Jiyū ishi  (自由意志) : mot à mot « liberté + volonté »
  • [vii] Bodhidharma (sanskrit en devanāgarī : बोधिधर्म « enseignement de sagesse » ; chinois simplifié : 菩提达摩, pútídámó ou 達摩, dámó ; japonais : 達磨, daruma ; c. fin du ve et début du vie siècle), fut le moine bouddhiste persan originaire de l’Inde, qui apporte le dhyāna du mahāyāna, sous le Chan en Chine et le Zen au Japon. L’école Chan prétendant remonter au Bouddha, Bodhidharma est considéré comme son 28e patriarche et comme son premier patriarche chinois. Il est aussi celui qui apporta les arts martiaux indiens en Chine.
  • [viii] Hàn Wǔdì (汉武帝 : -157 à –87 av. J.-C.) est le septième empereur de la dynastie Han de Chine, régnant à partir du 9 mars 141 av. J.-C. et jusqu’à sa mort, soit 54 ans de règne. Il est considéré, avec les empereurs Tang Taizong (dynastie Tang) et Kangxi (dynastie Qing) comme l’un des plus grands empereurs de l’histoire de la Chine.
  • [ix] 丸橋 (Marubashi) pouvant signifier un pont circulaire. Soit peut-être une référence au caractère cyclique de la vie/de l’apprentissage, ou à une unité du temps, passé présent futur se confondant.
  • [x] Le yabusame (流鏑馬) est une technique de tir à l’arc japonaise pratiquée à cheval. L’archer tire des flèches sans pointes (soit sifflantes, soit avec une boule au bout) sur trois cibles de bois et en plein galop.
  • [xi] Tamashī no chōwa (魂の調和) : signifie “l’harmonie de l’âme ».
  • [xii] Kokoro no arikata (心のあり方) : on peut traduire par « le cœur comme il doit être » ou « comment le cœur devrait être ».
  • [xiii] Haji o shiru kokoro (恥を知る心) : Dans le contexte de l’article, cela prend le sens de « avoir conscience de ses défauts/ses erreurs ».
Ivan Bel

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