Interview Masanori Okamoto : le maître du Shiatsu Kuretake

9 Mai, 2020
Reading Time: 19 minutes

En Europe, le nom d’Okamoto sensei est associé au style de Shiatsu de l’Institut Kuretake. Précis, efficace et sans concession dans son travail, c’est un homme charmant, détendu et patient dans la vie privée qui a pris le temps de m’expliquer et de me montrer à l’aide de ses livres, de nombreux détails tant sur sa vie que sur celle de son maître, le fondateur du Shiatsu Kuretake : Sakakibara sensei.


Ivan Bel : Bonjour Maître, merci d’avoir accepté mon invitation pour cette interview. Comment allez-vous en ce début d’année 2020 ?

Masanori Okamoto : Bonjour, Mr. Bel. Je suis surtout désolé pour toutes les personnes qui sont atteintes par le Covid-19.

Afin de mieux vous connaître, pouvez-vous nous parler de vos origines familiales ?

Mes parents sont toujours vivants. La maison de mon père est occupée depuis 13 génération de fermiers, dans la préfecture de Nagano, et mon père quant à lui était employé de bureau à Tokyo. De son côté le père de ma mère est né dans la famille du chef déchu d’un village et était très pauvre. C’est pourquoi il dû travailler comme apprenti quand il était enfant. Depuis son enfance il avait des visions spirituelles, il est alors devenu chamane (exorciste) avec de véritables pouvoirs surnaturels. Il faisait également un peu de massage Anma à ses fidèles. Ma mère était femme au foyer à plein temps. Ils eurent trois fils et je suis l’aîné. Je suis né à Tokyo le 8 juillet 1969. Je pense que j’étais un enfant sérieux et quelque peu inflexible. Mon frère benjamin est thérapeute Judo[i].

Okamoto à un an. (c) Archives personnelles du maître

Pendant votre jeunesse, étiez-vous déjà attiré par les soins ou les arts martiaux ?

Bien que j’aie parfois pratiqué du Judo en classe d’éducation physique entre 13 et 18 ans, J’allais surtout aux activités du club de handball. Lorsque je me suis blessé en faisant du handball, j’ai souvent reçu des séances de thérapie Judo, alors je rêvé devenir thérapeute Judo. Un jour j’ai demandé comment faire pour devenir thérapeute Judo à mon tour, mais ce dernier m’a recommandé : « l’âge de l’acupuncture approche, vous devriez donc être acupuncteur ». Donc je me suis intéressé à l’acupuncture.

Okamoto à 9 ans. (c) Archives personnelles du maître

Après avoir découvert l’acupuncture, avez-vous aussitôt cherché à vous entraîner dans cette discipline, ou est-ce arrivé plus tard dans votre vie ?

Bien que je veuille entrer dans un collège d’acupuncture et de moxibustion à Kyoto, quand j’avais 18 ans, mes parents n’étaient pas d’accord. Ils désiraient que je trouve un emploi sûr comme employé de banque. Alors, je suis entré à la faculté pour étudier le droit.

Je comprends que ce n’était pas votre choix. Finalement vous avez choisi de vous former à l’Institut Kuretake. Pourquoi cette école et pas une autre ?

J’ai décidé que je n’obtiendrais pas d’emploi après avoir obtenu mon diplôme universitaire, car je ne voulais pas perdre mon rêve de devenir acupuncteur. À cette époque, il était trop difficile d’entrer dans un institut d’acupuncture, de moxibustion et de shiatsu pour des personnes non apparentées, en raison de la forte compétition (1 place pour 10 candidats). Mais je n’avais pas de relations, donc le thérapeute en judo m’a conseillé de passer autant d’examens d’entrée que possible, et d’entrer dans le premier institut que je réussirai.

J’ai d’abord passé l’examen de l’Institut Kuretake, et j’ai réussi cet examen sans relation.

Okamoto à 24 ans (au centre), pendant ses études à l’Institut Kuretake de Tokyo. (c) Archives personnelles du maître

C’était bon pour moi d’entrer à l’école Kuretake, car ils avaient établi dans leur curriculum la possibilité d’être enseignant après avoir obtenu les licences (d’acupuncteur, moxibustioniste et masseur). En même temps ce n’était pas bon pour moi parce que je ne pouvais pas obtenir de licences d’acupuncture et de moxibustion à l’institut Namikoshi.

Avant d’aller plus loin, parlons un peu de l’histoire de votre école. Par qui a-t-elle été fondée et quand ?

Au début, Mitsugu Sakamoto, le fondateur, n’avait créé qu’un centre de formation à la moxibustion en 1926. Et en 1929, il a ajouté l’enseignement de l’acupuncture. Il a été officiellement autorisé comme école privée d’acupuncture, de moxibustion et de massage en 1931.

Que signifie exactement le mot « Kuretake » ?

Kure (呉) et Take (竹). « Kure » ici est le nom d’un ancien royaume chinois (de -585 à -473)[ii], et « Take » est un grand bambou (10 mètres au moins). Donc Kuretake signifie « grand bambou de la Chine ancienne »[iii].

A quel moment l’école a-t-elle ouvert un département « shiatsu » et à l’initiative de qui ?

Désolé, mais je ne sais pas tout. Au départ l’école Kuretake enseignait surtout le massage[iv] plutôt que l’Anma et le Shiatsu, parce que Mitsugu Sakamoto mettait sur de l’importance sur le massage, comme on peut le voir dans son texte sur le massage (nom : Manuel de Massage pour l’examen médical des docteurs, 1929. Seconde impression en 1934).

Manuel de massage pour examen médical pour les médecins 
1929, Mitsugu Sakamoto, référencé sur la base des livres du Japon

Je vous montre l’extrait dont je vous parle, que l’on trouve sur la page 3 et 4. J’ai mis en rouge des numéros 1, 2 et 3 pour que vous puissiez suivre et je vous les ai traduit.

① 日本按摩術とマッサージ術の差異
① Différences entre les techniques japonaises d’Anma et les techniques de massage

② 日本按摩術は未だ学理的価値を追証せられず、唯熟練せる手技を以て爽快を感せしむる。所謂、衛生を目的に行われ、
② la valeur scientifique de l’Anma japonais n’a toujours pas été démontrée, alors on ne peut faire que faire ressentir les choses par la dextérité de notre savoir-faire manuel, qui ne peut être réalisé qu’à des fins d’hygiène.

③ マッサージ術は既に解剖学・生理学其の他の医学的知識を基礎として組織的に発達し来たれるを以て、種々の疾病を治癒する目的に行はれ、
③ Les techniques de massage ont déjà été développées systématiquement sur la base de l’anatomie, de la physiologie et d’autres connaissances médicales, de sorte qu’elles peuvent être utilisées pour guérir diverses maladies

Mais comme presque tous les japonais aimaient davantage l’Anma et le Shiatsu que le massage, alors j’imagine qu’en tant que directeur il a remplacé petit à petit le massage par l’Anma et le Shiatsu.

Yutaka Sakakibara est le fondateur du Shiatsu Kuretake. Pouvez-vous me parler de lui ?

Yutaka Sakakibara – fondateur du Kuretake Shiatsu – et son épouse

Vous devez savoir un certain nombre de choses à son propos. Tout d’abord il est né le 4 mai 1929. Il fut diplômé de l’école Kuretake en mars 1968. Il fut enseignant de Shiatsu à Kuretake de 1973 à 2000. Il m’a dit que lorsqu’il était étudiant il y avait une enseignante de Shiatsu à l’école Kuretake (de Tokyo) et qu’elle utilisait un petit document de seulement quelques pages. Mais elle n’enseignait pas ce qu’on appelle le Shiatsu Kuretake proprement dit.

A cette époque il y avait deux écoles Kuretake, l’une à Tokyo et l’autre dans la préfecture de Shizuoka. Du coup, j’imagine que Kuretake avait deux professeurs de Shiatsu. Mais je ne connais pas le second professeur.

Après que Yutaka Sakakibara ait créé le style appelé Kuretake Shiatsu, toutes les écoles Kuretake (il y en a trois maintenant : Tokyo, Yokohama, Ōmiya) enseignèrent toutes la même méthode.

Lorsque Sakakibara sensei créa ce style de Shiatsu, était-il influencé par d’autres techniques manuelles ou par le Shiatsu de Namikoshi ? Savez-vous s’il y avait des relations entre ces deux grands maîtres ?

Yutataka Sakakibara n’était absolument pas concerné par la méthode Namikoshi. Bien qu’il ait été amené à utiliser de nombreuses techniques qui utilisent le principe de levier[v] qu’il a apprisTokyo lorsqu’il était étudiant, il ajouta aussi des techniques imprimées dans un document intitulé « Texte sur le Shiatsu du Ministère de la Santé et du Bien-Etre ». Il fut utilisé lors du stage pour faire passer la licence aux thérapeutes qui travaillaient sans licence, avec l’autorisation du Ministère. Donc, son supérieur à l’école Kuretake de cette époque lui demandèrent d’intégrer ces techniques afin de conserver un taux de réussite élevé à l’obtention de la licence de Shiatsu.

Sakakibara sensei démontrant une technique de Shiatsu Kuretake. (c) Archives personnelles du maître

Qui était le maître de Sakakibara sensei ?

Je ne le sais pas car il a oublié et je vous explique pourquoi. Lorsqu’il était étudiant à l’Institut Kuretake, il a étudié le Shiatsu pendant 3 ans avec une enseignante. Elle n’avait pas et n’utilisait pas de texte systématique, et elle enseignait des techniques de shiatsu non systématiques mais toujours au hasard. Il ne se souvient plus de son nom, car il est trop vieux maintenant (91 ans). Quand il est devenu professeur de shiatsu à temps partiel à Kuretake, elle a pris sa retraite et elle n’a jamais rien remis à Sakakibara, parce qu’elle croyait et disait à Sakakibara : « Vous devriez enseigner vos propres techniques de shiatsu aux étudiants ».

Pendant qu’il étudiait à l’Institut Kuretake, il travaillait dans un cabinet de Shiatsu à Tokyo en tant qu’assistant, et ce, pendant un an. Il y avait plusieurs thérapeutes seniors en Shiatsu, mais il n’y avait pas toujours son employeur sur les lieux. Ils faisaient des shiatsus pour les patients en tant que thérapeutes Shiatsu en utilisant comme technique principale le principe du levier. Comme personne n’a enseigné ces techniques aux assistants, il les a mémorisé simplement en regardant. Il m’a dit qu’il n’avait jamais rencontré son employeur, alors il a oublié le nom de son employeur.

Lorsqu’il est devenu professeur de Shiatsu à l’Institut Kuretake en 1973, vers 1975 ~ 1976 son supérieur à l’école lui ont donné un manuel de théories et de techniques de Shiatsu qui était édité par le Ministère japonais de la Santé. Son titre est « 指圧の理論と実技”, mais le milieu du Shiatsu de l’époque l’appelait « 厚生省教本”. Et on l’appelle toujours « 厚生省教本”.

指圧の signifie « Shiatsu ». 理論と実技 signifie ”théorie et pratique ». 厚生省 signifie « Ministère de la Santé et du Bien-être » et 教本 signifie ”carnet ou manuel. » Ce manuel a été utilisé au stage pour aider à obtenir la licence japonaise d’Anma-Massage-Shiatsu pour les personnes qui pratiquaient déjà de nombreux types de thérapie mais qui n’avait pas de diplôme officiel.

«Shiatsu no riron to jitsugi» (指 圧 の 理論 と 実 技). Édité par le Ministère de la Santé en 1957.
Colophon du « Manuel du Shiatsu du Ministère de la Santé »

Donc, son supérieur à Kuretake ont ordonné à Sakakibara de faire de nouvelles techniques de Shiatsu qui soient systématisées et d’inclure la structure de base de ce manuel, parce que ce supérieur voulait maintenir un taux de réussite très élevé à l’examen de Anma-Massage-Shiatsu.

Mais le manuel traite principalement des techniques de Shiatsu couché sur le ventre et le dos mais avec seulement trois techniques en latéral.

Certaines personnes parmi les étudiants avaient envie de publier un livre de référence sur les techniques de Kuretake Anma-Massage-Shiatsu nommé «Syashin de miru jitsugi» (写真 で 見 る 実 技) publié en janvier 1978 avec les professeurs d’Anma, de Massage, et de Shiatsu Kuretake. Mais ce n’était pas à vendre, car il n’était pas publié par l’école Kuretake. Je n’en possède qu’un seul livre.

A la page 19 du « Syashin de miru jitsugi » on peut voir Sakakibara sensei jeune, démontrant des techniques de Shiatsu Kuretake. Bien que Sakakibara ait ajouté et arrangé de nombreuses techniques sur le ventre et sur le dos avec comme principe l’effet de levier plutôt que ce qu’en montrait le « Manuel de Shiatsu du Ministère de la Santé », les techniques en latéral étaient les mêmes dans ce livre, soit seulement 3 techniques !

Et il n’y avait pas de livre officiel publié par l’Insititu Kuretake ?

Oui, mais 10 ans plus tard. Lorsque le manuel technique officiel d’Anma-Massage-Shiatsu Kuretake a été publié en 1988, le 1er mars, il a fini par ajouter de nombreuses techniques de Shiatsu latéral. On peut donc penser que Sakakibara a terminé le Kuretake Shiatsu en 1988 au plus tard. Laissez moi vous montrer. Il y a 40 pages pour Anma, 77 pages pour Massage et 39 pages pour Shiatsu. Mais pas de photo dans ce livre, seulement du texte et quelques illustrations pour le Shiatsu par Sakakibara. De plus, il n’y avait pas d’illustrations pour toutes les techniques. Il n’était donc pas utile pour les étudiants de pratiquer !!

Comme vous pouvez le voir, j’ai utilisé ce manuel quand j’étais étudiant à Kuretake. J’ai pris beaucoup de notes à ce sujet.

Ce livre devait être révisé et une nouvelle édition a été publiée en 2008, le 25 mars. 84 pages pour Anma, 82 pages pour Massage et 41 pages pour Shiatsu. Fondamentalement, le Shiatsu n’a pas ajouté de techniques du tout, bien que l’Anma et le Massage aient ajouté de nombreuses techniques. Pourtant dans ce cas, un photographe a pris toutes les techniques de Kuretake Shiatsu démontrées par moi. J’ai demandé aux membres du comité de rédaction d’utiliser toutes les photos face à chaque technique.

Mais au fond, ils ont juste remplacé les illustrations de la 1ère édition par des photos. Ils ont ajouté que quelques photos pour Shiatsu, car ostensiblement ils n’aimaient pas que le nouveau manuel deviennent trop épais. Mais en fait, je suppose que le Shiatsu Kuretake est très difficile à maîtriser et à enseigner, et il n’y avait aucun enseignant à part moi qui pouvait parfaitement l’enseigner dans toute l’école Kuretake à l’époque et ils n’aimaient pas ajouter du contenu et des photos. À cette époque, il y avait plus d’enseignants qui pouvaient enseigner l’Anma et le massage à l’école Kuretake à Tokyo.

Je me sentais vraiment triste alors, car ce nouveau livre n’était toujours pas utile aux étudiants pour pratiquer le Shiatsu. J’ai alors trouvé la motivation de publier personnellement un livre de référence des techniques de shiatsu Kuretake

Mon premier livre a été publié le 8 juillet 2011 (c’était mon anniversaire !!) par Ido no Nihon-sya, nommé « Yokuwakaru Shiatsu Technique » (よ く わ か る 指 圧 テ ク ニ ッ ク), ce qui signifie « Techniques Shiatsu faciles à comprendre ». Le sous-titre est « Jyutusya no karadanimo yasashii Kuretake Shiatsu » (術 者 の 体 に も 優 し い 呉 竹 指 圧) et en anglais « Les leçons pour vous aider à pratiquer Kuretake Shiatsu ».

Dans ce livre, j’explique en détail toutes les techniques de Kuretake Shiatsu (150 techniques) et utilise plus de 750 photos et illustrations sur 203 pages. Il ne possède pas l’«Avant propos» de Daniel Menini à la page XII, «Glossaire» à la page 177 et «Localisation anatomique des points» à la page 178 ~ 179 dans l’édition française publiée en 2012.

Version française publiée en 2012.

Waouh ! Merci beaucoup pour tous ces détails passionnants et importants. Je viens d’apprendre beaucoup de choses à propos de l’histoire du Kuretake. Avez-vous rencontré Yutaka Sakakibara vous-même ?

Bien sûr ! Il était mon maître quand j’étais étudiant en deuxième année à l’institut Kuretake. J’ai suivi ses cours pendant un an en tant qu’étudiant, puis j’ai donné des cours avec lui en tant qu’assistant pendant une autre année. Puis j’ai suivi ses cours privés pendant plus de 10 ans, une fois par mois. A la fin, nous pouvions lire dans les pensées de l’un et de l’autre.

Portrait de Yutaka Sakakibara. (c) Archives personnelles du maître

Quel âge aviez-vous lorsque vous avez commencé votre formation ?

J’avais 23 ans lorsque je suis entré à l’école, et 26 ans quand j’ai été diplômé. En plus de cela, j’ai suivi un cursus avancé de deux années pour obtenir le diplôme enseignant (acupuncture, moxibustion, Anma massage Shiatsu, sciences médicales). J’ai commencé dès mes 26 ans pour finir diplômé à 28.

Vous avez également suivi une formation en acupuncture ? Vous connaissez donc les méridiens et les points ?

Oui bien sûr.

Enseignez-vous uniquement le Shiatsu maintenant ?

Non, je fais et enseigne l’acupuncture, la moxibustion et le Shiatsu.

Comment se déroule votre formation, lorsque vous enseignez ?

Quand j’étais enseignant à l’institut Kuretake, j’ai enseigné toutes les bases techniques du Shiatsu Kuretake, soit 40 leçons sur tatami, 90 minutes par cours.

Cela prend combien d’années pour être formé ?

Cela prend trois années pour être diplômé de l’institut Kuretake. Tous les étudiants doivent suivre 2910 heures de cours pour pouvoir passer l’examen d’Etat.

Lorsque vous avez eu votre diplôme de praticien Shiatsu, qu’avez-vous fait ? Où avez-vous commencé à travailler ?

Après l’obtention de mes licences d’Etat, j’ai travaillé comme thérapeute à domicile en acupuncture, moxibustion et Shiatsu et comme professeur privé pour un étudiant de collège, pour payer mes frais de la formation avancée tant que j’y allais comme étudiant.

Après le diplôme d’enseignant, j’ai travaillé dans un cabinet d’acupuncture pendant un an et demi et en parallèle j’étais enseignant à mi-temps à l’institut Kuretake, 1 à 2 fois par semaine pendant 16 ans, tout en continuant à faire des visites à domicile. Et en 2004 j’ai finalement pu avoir mon propre cabinet à Tokyo.

Okamoto à 26 ans, pendant une formation à l’université de MTC de Shanghaï, afin de parfaire ses connaissances. (c) Archives personnelles du maître

A faire face quotidiennement avec la douleur des gens, qu’est-ce que cela vous a appris en tant que praticien ?

Je me concentre toujours sur la cause de la douleur d’un point de vue MEDICAL en premier lieu. Aussi, je ne me réfère pas aux méridiens ou aux points pour trouver la cause de la douleur pour commencer, parce que je pense que c’est l’attitude la plus importante à avoir pour soigner la douleur à coup sûr.

Lorsque vous touchez un corps, qu’est-ce que vous écoutez exactement ?

Je trouve toujours le tonus musculaire, l’amplitude des mouvements, les douleurs à la pression, etc… c’est-à-dire des constatations objectives.

En tant qu’enseignant, vous accordez une grande importance à la posture du pratiquant. Pourquoi pensez-vous qu’il est important de respecter une posture correcte ?

Pour éviter que le praticien se trouve face à des douleurs articulaires du bas du dos afin qu’il puisse faire de nombreux patients chaque jour. Nous sommes des thérapeutes Shiatsu professionnels, donc les postures correctes sont les choses les plus nécessaires pour que nous puissions tous vivre en tant que thérapeute Shiatsu pendant longtemps.

Que doit faire un praticien pour se renforcer, physiquement ou mentalement ?

Étant donné que le Shiatsu exerce fréquemment des pressions sur le corps des patients avec un transfert de poids, nous devons renforcer les muscles des deux parties inférieures du corps. Nous devons renforcer notre physique pour tenir et faire du shiatsu sans repos ni repas sur une journée bien remplie, car les patients souffrent de leur douleur pendant ce temps-là. Nous devons donc ne pas nous écouter pour être au service de nos patients. En d’autres termes, les personnes trop soucieuses d’elles-mêmes ne conviennent pas faire de bons thérapeutes.

Okamoto sensei dans sa tenue pour pratiquer le Shugendo. Il aime a récituer des sutra sous une cascade pour renforcer l’esprit et à se purifier régulièrement avec un seau d’eau froide chaque matin. (c) Archives personnelles du maître

Lorsque vous faites un shiatsu, selon vous, est-ce que la notion de présence est importante ?

Je suppose que vous devez aspirer à une sorte de pouvoir surnaturel, comme un chaman. Bien que je ne sache pas si Tempeki Tamai a acquis une telle capacité ou non, s’il était devenu si fort en fait, il devrait être plus célèbre comme Kūkai et Nichiren qui étaient de célèbres chamanes au Japon. Mais il n’est connu que d’un petit nombre de thérapeutes japonais de Shiatsu, et bien sûr, les instituts de shiatsu japonais n’enseignent jamais à son sujet, du moins officiellement.

Mais qu’est-ce que la présence ? Comment le développons-nous ?

Bien que je puisse parler en connaissance de cause, parce que mon grand-père était un vrai chaman, la présence est donnée par les dieux. Par conséquent, une personne normale ne l’obtient jamais et ne la développe pas.

Le monde d’aujourd’hui semble très perturbé à plusieurs niveaux, mais aussi dans la santé des individus. De votre point de vue, pourquoi les gens développent-ils autant de maladies ?

L’une des raisons est la longue espérance de vie. Avant, les personnes âgées mouraient plus tôt que maintenant. De nos jours, les développements médicaux peuvent trouver plus de maladies qu’auparavant. De plus, la destruction de l’environnement, l’utilisation intensive de médicaments, d’additifs alimentaires, etc., nuisent à nos gènes.

Finalement, quel est votre point de vue sur le Shiatsu ?

Mes techniques de Shiatsu dépendent de la connaissance de l’anatomie et de la cinématique, donc il est clair et facile d’obtenir des effets bénéfiques pour les nombreux thérapeutes de Shiatsu qui suivent exactement mes techniques.

Bien qu’une fois j’ai reçu un traitement spécial de Shiatsu par un célèbre praticien Ampuku qui possédait un pouvoir surnaturel alors qu’il ne lisait le Sutra comme Tenpeki Tamai[vi]. Il semblait qu’il avait eu de nombreux patients venant de nombreuses régions du Japon, car il touchait toujours l’histoire des patients en ne touchant que leur abdomen.

Mais comme la plupart des thérapeutes Shiatsu n’ont pas une telle capacité donnée par les dieux et ne peuvent pas la développer, je suis sûr que nous n’avons pas à aspirer à sa puissance.

En revanche, je suis sûr que nous pouvons facilement pratiquer un Shiatsu efficace en connaissant l’anatomie et la cinématique.

Merci beaucoup sensei pour ce témoignage et pour votre temps précieux.


Notes :

  • [i] La Thérapie Judo est une des approches de santé naturelle reconnue par le gouvernement japonais et sanctionnée par un diplôme d’état. Pour aller plus loin « What is a Judo therapist ».
  • [ii] Il s’agit du royaume de Wu, à l’époque « Printemps et automnes » de l’histoire de Chine, situé sous la région de Shanghaï. Pour plus d’informations, voir Etat de Wu sur Wikipedia.
  • [iii] Dans le palais impérial de Tokyo, la résidence des filles de l’empereur, construit en 1932 s’appelait « Kuretake-ryō ». Lorsqu’à l’ère Meiji le bâtiment fut démoli pour le remplacer par des jardins, Mitsugu Sakamoto reçu des matériaux provenant de cette résidence et en cet honneur, il appela son école « Kuretake Gakuen ». A l’origine Kure est le nom japonais d’une ancienne région chinoise sous l’actuelle Shanghaï. Situé à l’ouest du japon, elle reçu le nom de « couchant », soit « Kure ». Dans cette région se trouvaient un bambou particulièrement haut et robuste (encore aujourd’hui ?) très prisé au Japon. C’est pourquoi le Kuretake (littéralement le « bambou du couchant ») est resté célèbre dans l’esprit japonais.
  • [iv] Il faut comprendre ici « massage occidental » qui était à la mode à partir de l’ère Meiji.
  • [v] Les techniques de levier sont très développées dans le style Kuretake.
  • [vi] Dans son livre « Shiatsu Ryoho », le livre fondateur du Shiatsu, Tenpeki Tamai recommande la lecture du Sutra du Cœur pour devenir un bon praticien et éventuellement sa récitation pendant un traitement.

Livre :

  • « Précis de Shiatsu – Kuretaké – Techniques fondamentales et supérieures », Dangles éditions, 2012.
Ivan Bel

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