Le Shiatsu et la mort : témoignages de praticiens

5 Mai, 2020
Reading Time: 18 minutes

Parallèlement à l’article sur le Shiatsu et la mort, et pour la première fois sur ce blog, voici les paroles de praticiens de Shiatsu qui témoignent au sujet de la mort dans une relation thérapeutique. Ce sont leurs mots, des mots qui trahissent la profonde empathie et toute l’humanité que l’on trouve dans l’art du Shiatsu.


Depuis l’automne dernier, je reçois en séance une dame atteinte d’un cancer se développant lentement mais à un stade déjà assez avancé, avec chirurgie et peu de perspectives de guérison. Lors de notre première rencontre, elle m’a demandé si « je pouvais l’aider à vivre plus longtemps ». La question était franche, à l’image de ce qu’impliquait sa situation. J’ai évidemment été un peu déstabilisé ; que répondre à cela… ? 

En tant que praticien de Shiatsu, nous apprenons à cultiver notre centre, à rester calme, détendu et dans l’authenticité de tout ce qu’implique la vie. Dans la pensée orientale dont est issu notre pratique, la mort et la maladie font naturellement partie du mouvement de la vie. C’est une conception étrange pour l’esprit occidental, qui a l’habitude de ne s’intéresser à la santé que lorsque la maladie l’impose, et de repousser la question de la mort loin dans l’inconscient. Les personnes qui viennent nous voir en consultation sont souvent prêtes à s’ouvrir à une conception plus large de l’existence, de la santé, de la maladie et de la mort. 

J’ai donc répondu à cette dame « oui et non », expliquant que si d’un côté mon travail pouvait aider son corps à mieux fonctionner et à gérer cette épreuve, d’un autre le Shiatsu – parce qu’il implique la relation à soi, au corps, à l’esprit, aux émotions et aux grandes questions qui traversent l’existence – pouvait aussi d’une certaine manière installer les conditions d’un départ serein. Nous sommes parfois si crispés par la perspective de mourir que nos émotions et nos pensées nous maintiennent dans une lutte douloureuse face à cet évènement inévitable. En relâchant les tensions, nous aidons le corps et à mieux fonctionner et l’esprit à s’apaiser, mais nous permettons aussi à la personne de se tourner plus librement vers ce qu’elle traverse. Il en découle parfois une compréhension et un relâchement qui fait que nous ne pouvons pas vraiment dire dans cette situation si le Shiatsu va prolonger l’existence. Nous n’avons pas le pouvoir de contrôler le flot de la vie, mais nous pouvons le révéler et toujours le supporter dans son mouvement naturel. C’est l’essence de notre pratique qui considère qu’il ne convient pas plus de « passer à côté de sa vie » qu’à « côté de sa mort »… 

Cette personne continue à venir en séances, et si je ne saurais dire précisément la part que le Shiatsu tient dans sa situation présente, il me semble clair qu’il contribue – aux cotés des protocoles médicaux – à soulager son corps autant qu’à inviter son esprit à une vision plus profonde et sereine de tout ce qu’implique la vie. La densité et l’authenticité imposés par cette situation m’ont aussi beaucoup appris, ce qui nous ramène à un point fondamental du Shiatsu : la relation et sa qualité !

Nicolas Poloczek – praticien et enseignant de Shiatsu – Belgique
Ateliers corps-esprit-soufflewww.lesateliersdushiatsu.be


Début 2009, j’ai vécu une expérience qui m’a fait évoluer vers une autre vision du corps et de l’esprit. Je pratiquais le shiatsu depuis presque 3 ans, quand j’ai traversé une période où j’ai perdu trois personnes proches. Il y a eu une amie, puis mon grand-père et mon cousin. En 6 mois de temps, j’ai été confronté à la mort de proches. La perte de ces personnes a changé mon regard sur la constitution de l’être humain, un corps physique, mais aussi un esprit, de l’énergie etc…

Au cours de mes premières années de pratique de shiatsu, j’ai été très assidu. J’ai appris les points d’acupuncture, à faire un diagnostic à l’aide des pouls chinois, le teint du visage, la langue. Mais le départ de mon amie m’a amené à une nouvelle perception : la présence de l’être que certains préférerons appeler âme.

En janvier 2009, mon amie se sentant fatiguée, m’a demandé de lui faire un shiatsu urgemment. Je la reçois avec le plaisir de partager ma passion et de pouvoir lui apporter un moment de confort et de ressource. La seule possibilité était un dimanche après-midi. Arrivée le jour J, elle était très contente de pouvoir prendre un temps pour s’occuper d’elle. Elle se sentait très fatiguée depuis quelques jours.  Elle était très optimiste, courageuse, toujours positive et partante pour aider et faire des choses. Elle avait deux enfants et, avec son mari, ils faisaient de gros travaux de réhabilitation sur leur maison. Elle me racontait que parfois le soir après avoir couché les enfants, vers 23h, elle était avec son mari sur le toit pour poser des tuiles de l’extension de sa maison. Le travail la journée, les enfants à s’occuper, les tâches ménagères du quotidien, les courses, et les travaux. Elle n’arrêtait jamais.

La séance commença et effectivement, son énergie à la prise de ses pouls chinois pulsait assez rapidement, avec du vide d’énergie derrière. Mais il y avait une zone assez particulière, la zone du cœur au niveau des points Shu, qui n’était pas possible de toucher ou même de faire une petite pression. Elle avait très mal, je n’ai donc pas insisté. J’ai essayé d’harmoniser ses énergies pour que son corps puisse se recharger. Avec moins de 3 ans de pratique,  je n’étais pas assez expérimenté pour détecter l’urgence de son état de santé. A ce moment là, j’ai pratiqué le meilleur shiatsu que je pouvais avec cœur et douceur. La séance finie, elle était ravie, elle se sentait mieux, reposée, et avait envie de revoir son rythme de vie.

Lundi : le lendemain, travaillant dans la même entreprise, nous nous croisons dans le réfectoire de notre lieu de travail, et nous saluons rapidement se donnant rendez-vous dans la semaine pour manger ensemble et discuter entre amis, comme nous avions coutume de faire depuis plusieurs années.

Mardi : le matin, j’apprends par un collègue que mon amie est décédée dans la nuit, d’un problème cardiaque… Marie (prénom modifié pour conserver son anonymat) avait 29 ans. Ce fut la douche froide ; je ne voulais pas croire à son départ.  Je repensais aux dernières fois qu’on s’était vu, la veille, l’avant veille. Ce n’était pas possible! Mais il fallait bien l’accepter.

Le mercredi : j’allais très mal. Je demandais de l’aide auprès d’une amie médium. Je me sentais oppressé, envahi par la tristesse, avec du mal à tenir debout. Cette amie me fait comprendre que Marie était avec moi. Son âme ne pouvait pas « monter sur un autre plan » à cause de la soudaineté de sa mort. « Son esprit ne comprend pas que son corps physique vient de mourir, donc Marie est venue vers toi, du fait de votre lien et de ta sensibilité. »  Je devais lui dire ce qui s’était passé pour la libérer de notre monde. 

« Marie, tu es décédée lundi soir dans ton lit, ton cœur s’est arrêté de battre. »

 J’ai senti sa présence et un allègement de mes émotions. Je ressentais qu’elle me parlait, et me disait des choses qu’elle n’avait pas eu le temps d’exprimer. Avant de partir, elle voulait rendre visite à sa famille, et surtout ses deux petits garçons pour leur dire au revoir.

Le jour de l’enterrement, le jeudi, je me trouvais au fond de l’église, il y avait tellement de monde, que des personnes étaient obligées de rester dehors. Il y avait beaucoup de tristesse, tous ces gens plus ou moins proche étaient là pour lui dire au revoir. J’ai senti Marie près de moi puis à un moment elle a rejoint ses proches au cœur de l’église.

C’était la première fois que je vivais ce passage vers l’autre monde avec cette implication, cette étape qu’on appelle nous Terriens, la mort. Mais j’avais également le sentiment d’avoir  été en formation. Marie m’avait initié à la mort et je posais un regard neuf sur la vie. Deux mois après, c’était mon grand-père paternel qui partait, mais j’étais prêt intérieurement, émotionnellement. Il était alité depuis plusieurs mois et inconscient depuis plusieurs semaines. Lors de son départ, j’ai senti la délivrance. Mais avant, il a tenu à être présent pour écouter les « au revoir » de toute la famille qui est passée le voir quelques jours avant sa mort. J’ai ressenti qu’il voulait voir une dernière fois chacun d’entre nous. Sa famille était très importante pour lui. Le jour de l’enterrement son âme était déjà partie sur un autre plan, pendant que son corps physique suivait le protocole traditionnel, l’église avec la cérémonie puis l’enterrement.

Ces expériences m’ont éveillées à ressentir la présence sacrée, divine de chacun. Maintenant en posant ma main sur le receveur (personne recevant le shiatsu), je ressens si cette présence est là à 100% ou en demi-teinte. Je suis ce ressenti tout le long de mon shiatsu pour rétablir une harmonie : remettre la présence au centre, alléger les émotions et réaligner les différents corps.

 Deux années plus tard, en 2011, ma femme se sentit mal après avoir étendu du linge dehors. Essoufflée, très fatiguée d’un coup, elle s’allonge sur le canapé. Elle était enceinte de 6 mois, de notre deuxième enfant. Je viens auprès d’elle pour voir ce que je peux faire avec le shiatsu, et après la prise des pouls chinois, je ressens des sensations assez proche que j’avais vécu 2 ans plus tôt, je lui dis donc de consulter rapidement aux urgences. Effectivement, c’était très grave, elle avait une embolie pulmonaire massive bilatérale. Après quelques jours, ma femme et ma fille sortaient de l’hôpital et rentraient à la maison en bonne santé. Après cet épisode, je remerciais Marie, qui m’avait permis de réagir rapidement en emmenant ma femme à l’hôpital.

Ces expériences me font dire, que lorsqu’il y a un problème fonctionnel ou émotionnel, la présence se retire. Différents problèmes, comme des douleurs dans certaines zones du corps, une dysfonction d’un organe ou une colère qui persiste par exemple sont là pour nous alerter et nous apprendre quelque chose. Suivant notre niveau d’éveil, nous en comprenons une partie. Les expériences de la perte de mon amie Marie et de mon grand-père paternel m’ont appris à ressentir cette présence. Maintenant je travaille avec cette philosophie, j’accompagne le client à recentrer sa présence à travers ma technique du shiatsu et à écouter ses émotions lors de ce mouvement d’harmonisation.

Lazare Pouchard – praticien et enseignant de Shiatsu – France
Site web : https://lazarepouchard.wordpress.com


Une séance, une Vie…

Lorsque la pression des mains s’arrête, le mouvement du Ki continue… dit-on. Cela est vrai d’une séance individuelle, cela me semble vrai d’une vie considérée en son entier également.

Car que faisons-nous ? Nous accompagnons nos receveurs / receveuses de séance en séance. Certains ne viennent qu’une fois, d’autres reviennent puis disparaissent, d’autres réapparaissent après plusieurs années et d’autres viennent toute leur vie. C’est toujours la même intensité, et c’est toujours le même phénomène : le shiatsu accompagne leur Vie. Jusqu’au seuil de leur dernière demeure.

J’ai connu quelques décès jusqu’à présent parmi mes receveurs. Certains se savaient irrémédiablement condamnés. Ils venaient au shiatsu pour essayer quelque chose, avoir un peu de répit, sentir vibrer l’énergie en eux, retrouver la force de faire encore quelque chose, une dernière fois, comme recevoir leur famille pour Noël… Ce qui semble banal pour nous était pour eux merveilleux. Et, lorsque à la fin de la séance, ils me disaient se sentir bien, je savais que c’était tout temporaire, mais que quand même, le corps avait encore trouvé l’énergie de faire des miracles. Et que ce « je suis bien » prenait une signification tout particulière avant le « je ne suis plus » qui s’annonçait déjà.

La famille prend parfois la peine de chercher qui était ce monsieur chez qui il ou elle aimait bien aller. Et parfois pas. Je ne sais jamais s’ils vont se présenter au prochain rendez-vous. Si cet au-revoir n’est pas un adieu. Après quelques semaines ou mois de silence, l’issue devient claire. Au fond, à chaque fois qu’un client nous quitte, peut-être nous quitte-t-il pour de bon. Peut-être que nos chemins se séparent. De même que la sagesse nous conseille de vivre chaque journée comme si c’était la dernière, faut-il donner chaque shiatsu comme si c’était le dernier ? Pas, je le crois, dans cette perspective de temporalité fugace de l’injonction à l’impératif futur « Memento mori », mais dans la présence à ce qui est dans l’ici et maintenant. Il n’y a qu’un shiatsu : celui de l’instant, et l’instant, peut-être, reviendra, mais différemment.  

D’autres receveurs sont simplement (très) âgés. Je trouve merveilleux qu’ils confient leur corps, parfois raide comme les planches de leur future demeure, avec des impossibilités dans les positions, des mouvements désordonnés, aux mains de quelqu’un qui, comparativement, n’est qu’un jeune blanc-bec. Ils ont cette curiosité, cette envie d’essayer quelque chose aux antipodes de leur éducation et de leur culture d’origine. Ils se méfient des institutions de soins d’où trop de leurs amis et amies ne sont plus jamais sortis. Le shiatsu prend le temps, leur offre une totale attention, dans la bienveillance. Et donc, ils se moquent de savoir d’où ça vient, si c’est Chinois ou Japonais, mais ils aiment ce ressenti qui leur fait dire, à la fin de la séance, « je me sens bien ».

Quel que soit l’âge, la régularité paie, ils se détendent, gagnent en souplesse. « L’amour n’a pas d’âge », chante Léo Ferré. Le shiatsu non plus. Dans les vieux jours, il est bon d’élever la capacité vibratoire du receveur. Le Ki s’en va, diminue. La batterie des Reins s’épuise doucement. Les défenses tombent. Parmi les privilèges du grand âge, il y a cette étonnante perte de pudeur et surtout cette envie de plaisanter, et puis les souvenirs qui remontent d’une époque révolue. Le toucher permet cette libération et brise les solitudes, les enfermements, relâche les freins, fait monter les sourires… Vivement la prochaine fois.

Et puis un jour, on apprend qu’il n’y aura pas de prochaine fois. La quatre-vingtaine bien sonnée, les voilà partis furtivement et rapidement. Je mets un point d’honneur à les accompagner en leur dernière demeure. Car le rituel permet le passage. La présence est importante. Et c’est ici que la liturgie catholique rejoint (enfin) le shiatsu, quand le prêtre invite à toucher le cercueil en hommage. Alors, oui, pour celui qui a touché ce corps maintenant inaccessible, toucher le cercueil, remercier, et lui dire « maintenant, vas-y » me paraît un rite approprié d’accompagnement. Je vais jusqu’au seuil, et la dernière pression est comme un coup de pouce, une poussée dans le dos, une tape sur l’épaule, une libération de l’ancrage de Rein 1… L’accompagnement passe par l’élément Bois du cercueil qui ne symbolise pas la fin, justement, mais le début de quelque chose d’autre. Peu importent les croyances, l’énergie se disperse et se recycle d’innombrables façons. Ma fin est mon commencement et mon commencement ma fin. Impermanence.

Il n’y aura plus de toucher. Mais ce qui a été touché par la joie de la pratique, les cœurs, le Shin, cela demeure, dans la durée et non le temps. Lafcadio Hearn, dans « Kokoro » rapporte cette jolie histoire de la nonne du temple d’Amida qui, ayant perdu son fils, effectue un rite d’évocation des morts, le « toritsu banashi ». Et le fils, qui s’exprime pour un moment, par la voix du prêtre, lui dit « Ne pleure pas ! Ce n’est pas gentillesse que le deuil pour les morts. Car leur route silencieuse est sur la Rivière des Larmes : et quand les mères pleurent, le courant augmente et l’âme ne peut traverser ».

Au fond, cette joie du Shin qui s’exprime lorsque l’énergie circule harmonieusement, c’est cela qui doit nous habiter au moment du départ. Lorsque tous pleurent, nous offrons la joie une dernière fois. Aider à bien vivre, c’est aider à bien mourir. La longévité que favorise une pratique régulière du shiatsu, c’est celle-là : vivre bien jusqu’au bout. Pour un soir se coucher et partir paisiblement.

Nos receveurs sont nos maîtres. Ainsi, quand ils meurent, ils nous montrent le chemin que nous emprunterons un jour. Et, qui sait, nous accompagneront à leur tour quand nous ferons le passage…

Stéphane Cuypers – praticien et enseignant de Shiatsu – Belgique
Shinmon Shiatsu : http://www.shinmon-shiatsu.be


Difficile d’écrire sur un accompagnement de fin de vie en en shiatsu… Quand mon ami Ivan m’a demandé si je pouvais faire un texte sur ce thème, j’ai été en grand manque d’inspiration. J’ai enfin compris pourquoi : lorsqu’on accompagne quelqu’un à ce niveau là, on quitte le domaine technique ou philosophique du shiatsu pour entrer dans celui de l’intime et du cœur. L’implication pour parler de ces choses là n’est pas la même.

Il y a sept ans j’ai effectivement accompagné un patient qui avait un cancer et cela jusqu’à son départ final vers un autre monde. Mes deux premières séances, assez techniques et professionnelles donnèrent des résultats tout d’abord spectaculaires pour faire suite à une fatigue extrême chez mon patient. On ne peut traiter quelqu’un qui subit des séances de chimiothérapie comme un patient normal. Il fallait que je change ma façon de voir et d’agir. Je préparais donc ma troisième séance de manière différente et beaucoup plus profonde. J’essayais donc de tendre vers cet état du cœur vacant qui permet vraiment d’accueillir un patient. Cette séance fut très différente des autres et je décidai de suivre au mieux mon patient ce qui m’amena à un toucher beaucoup plus doux et je dirai même affectif. La technique fût remplacée par les mains du cœur et le résultat fut concluant puisque mon patient repartit beaucoup plus apaisé et relâché que les fois précédentes.

Ce toucher du cœur amena une ouverture de la parole et mon patient commença à me poser des questions sur le taoïsme et la Médecine Traditionnelle Chinoise. Au fur et à mesure les séances gagnèrent en profondeur et, mon patient se sachant condamné se livra de plus en plus…

Mon shiatsu se transforma peu à peu en un toucher haptonomique, très doux et enveloppant. Je ne faisais plus de technique mais j’accompagnai quelque chose qui se libérait peu à peu.

La dernière séance fût extrêmement intense et nous partageâmes des choses très profondes. Cet homme qui était un ancien officier. Mais là il avait perdu tout de sa raideur militaire pour revenir à un état de transparence totale. Il mourût une semaine après.

Ce que cette expérience m’a apporté est l’ouverture à un shiatsu du cœur, bien au-delà de la technique. Il est des moments où la technique est inefficace et où l’intuition prend toute sa mesure… Le Shiatsu prend alors une dimension qui nous transporte dans un monde extrêmement intime où l’interrelation patient/thérapeute est dans une confiance totale, comme on dit en japonais, I Shin Den Shin, « De cœur à cœur ». Cela nous amène au respect profond de l’humanité en chacun de nous et nous amène à ressentir la vraie dimension du toucher qui me semble infinie.

Jean Smith – praticien et enseignant de Shiatsu – France
Institut Shen Dao : https://www.shiatsutraditionnel.fr/bienvenue/


Ma réelle première approche de la mort date de plus de 15 ans: Kawada Senseï, mon professeur, avait conseillé une dame souffrant d’un lymphôme indolent (cancer de la lymphe) de venir recevoir des séances de shiatsu chez moi. A ce moment-là, je ne savais pas trop quoi faire d’autre que les bases pour renforcer son organisme. Au fil des traitements, malgré nos efforts, sa santé déclinait. Lors de nos discussions, je me suis rendu compte de l’envahissement de son passé dans le déséquilibre de son présent. Elle me disait que, même si le corps lâchait, elle trouvait un calme lui permettant de mieux vivre, accepter pour continuer d’avancer.

Par la suite, d’autres personnes m’ont demandé de les accompagner : une dame qui développait un cancer du cerveau et qui se rendait compte de la dégradation de ses facultés ; ou cette autre qui avait programmé son euthanasie ; ou cette autre encore, le corps métastasé, qui souhaitait préparer ses derniers jours. Toutes ces personnes, à un moment, ne se débattaient plus, elles souhaitaient juste trouver une certaine sérénité. 

C’est un peu l’histoire des 6 couches : en surface, une maladie est bénigne ou contrôlable mais plus elle s’enfonce, plus la profondeur est touchée. Il me semble important d’avoir cette lecture profonde car il existe un lieu, un moment, un point de non-retour. A cet instant où Reins-Coeur sont touchés, c’est l’essence de Vie et le Shen qui interviennent.

Dans ces situations, je ne peux envisager de protocole trop précis.  Quand on atteint ce point de non-retour, quand une personne prend conscience de sa fin, une vague d’émotions vives les submerge. Le mental s’affole, je ne peux être qu’une présence rassurante, comme un phare dans une tempête. Et qui suis-je pour être plus que cela ?

Chaque personne, chaque situation est unique. Je dois alors m’adapter. Certains ont besoin d’explications, de pourquoi et comment le corps en est arrivé là; d’autres veulent juste de l’évasion, du repos et de la légèreté.

Mon rôle n’est alors qu’être présent, totalement, sans attentes ni intentions. Dans cet “ici et maintenant”, je m’adapte au mieux, expliquant à un mental agité, relaxant un corps tendu, pour permettre au Shen de reprendre sa place.Cette présence élargie ouvre alors le champ de conscience du receveur qui arrive ainsi à transformer le feu chaleur qui le brûle de l’intérieur en feu lumière qui le libère.

Fabian Bastianelli – praticien et enseignant de Shiatsu – Belgique
Site web : https://fabianbastianelli.com

Ivan Bel

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