Entretien avec Terésa Hadland : Le Shiatsu au cœur

25 Nov, 2024
Reading Time: 22 minutes

Figure majeure du Shiatsu, Terésa Hadland parcourt l’Europe, et même le monde, depuis plus de quarante ans, parfois accompagnée de son partenaire Bill Palmer, parfois seule, pour transmettre leur vision du « Movement Shiatsu », leur école. Pétillante, pleine d’humour et dotée d’un grand sens de l’observation, elle excelle dans l’art de partager cette approche avec les autres. Cependant, malgré ses nombreux cours, elle reste peu connue en dehors de ses élèves. Pour la première fois, elle nous raconte son parcours, de l’Écosse à l’Angleterre, du Japon à l’Australie. Portrait d’une des grandes dames du Shiatsu européen.


Ivan : Alors Terésa, première question : êtes-vous vraiment une Espagnole ?
Terésa : Ahahahah. Malheureusement non, mais je parle la langue. Donc je pourrais passer pour une Espagnole. Ahaha.
J’aimerais que vous me parliez de votre odyssée dans le Shiatsu, de votre rencontre avec cet art et de votre parcours qui s’étend sur au moins 30 ans.
Eh bien, je suppose que j’ai toujours été intéressée par la philosophie orientale et cette façon particulière de voir le monde. À l’école et à l’université, j’ai étudié les langues étrangères, et j’adorais cela parce que cela m’ouvrait au monde et à sa diversité. En fait, j’étudiais à Édimbourg, en Écosse, et à cette époque il y avait un Centre Est-Ouest dans la ville. Un soir, je m’y suis rendue pour écouter une conférence sur le Yin et le Yang, et très vite, j’ai voulu en savoir plus. C’était en 1980. Le Centre Est-Ouest proposait de nombreuses activités, comme la cuisine macrobiotique, le dō-in (auto-massage japonais), et des cours d’initiation au Shiatsu. C’était bien parce qu’en tant qu’étudiante, cela m’apportait un équilibre entre le mental et le physique. J’ai toujours aimé le sport et le mouvement (je participais même aux cours de yoga de ma mère quand j’étais jeune). J’ai rapidement été captivée par la philosophie et la pratique du Shiatsu. Le professeur qui m’a initiée s’appelait Mike Burns, un Irlandais qui avait certainement « le don de la parole ». C’était un merveilleux conteur naturel, avec beaucoup de charme, et nous étions tous complètement fascinés. On peut dire que c’était une personne très charismatique.

Quand j’avais 20 ans, je suis partie vivre au Moyen-Orient dans le cadre de mes études. Vers la fin de mon séjour, alors que je vivais en Égypte, j’ai contracté une hépatite, ce qui a été un énorme choc. J’ai dû retourner à Édimbourg pour terminer mon diplôme dans un état de santé très fragile.

Je vous comprends parfaitement, j’ai également souffert d’une hépatite très sévère il y a quelques années. Chaque séance de Shiatsu à l’hôpital me permettait de faire un petit progrès : manger sans nausée, tenir debout, marcher, etc. Tant qu’on ne l’a pas vécu, il est difficile de réaliser à quel point le Shiatsu est puissant pour la récupération.

Pour moi, cette expérience de maladie a également été un moment de remise en question. Mon rêve avait toujours été de voyager à travers le monde en utilisant mes compétences linguistiques, mais soudain, ce rêve devenait impossible si je n’étais pas suffisamment en bonne santé. Mon attention s’est très vite tournée vers le corps et la compréhension de son fonctionnement, afin de pouvoir continuer à faire tout ce qui comptait pour moi.

En 1983, après avoir terminé mes études, on m’a proposé un emploi où je pouvais utiliser mes langues étrangères, et j’ai choisi de m’installer à Londres, principalement parce qu’il y avait un Centre Est-Ouest dans la ville. J’ai eu la chance de travailler en utilisant mes compétences, mais j’ai rapidement compris que travailler dans un bureau n’était pas ce que je voulais faire de ma vie. À cette époque, j’ai découvert les cours de yoga Oki-Do qui se déroulaient au Centre Est-Ouest de Londres. Le yoga Oki-Do est une approche du mouvement combinant de manière dynamique l’Aïkido et le yoga, créée au Japon par Masuhiro Oki sensei. Il a écrit de nombreux livres sur son approche (voir photo). Ma professeure, Chizuko Kobayashi, avait été envoyée du Japon pour enseigner au Royaume-Uni, et nous sommes devenues de bonnes amies. J’ai trouvé le yoga Oki-Do génial pour me renforcer après l’hépatite, mais aussi pour explorer et repousser mes limites et mes peurs. J’adorais ça et je participais régulièrement aux cours.

Un jour, Chizuko m’a dit : « Ah, Teresa, le dojo principal au Japon va organiser un cours pour les étrangers pour la première fois, et il s’appellera Rencontre avec la Vie. Je pense que tu devrais y aller ! »

C’est tout l’encouragement dont j’avais besoin. J’ai donné ma démission au bureau, je me suis inscrite au cours et j’ai acheté un billet d’avion pour le Japon ! Le stage de deux mois au dojo Oki-Do a été très intense et exigeant. Tous les matins, nous devions nous lever à 5h30, courir en montée et redescendre (le dojo se trouvait à Mishima, au pied du mont Fuji), nous asseoir en zazen et chanter le Sutra du Cœur pendant une heure avant un petit-déjeuner très frugal composé de soupe miso et de riz. La journée était rythmée par beaucoup d’exercices et très peu de nourriture. Cela dit, c’était une expérience incroyable et transformatrice. C’était la première fois que des étrangers étaient invités en masse à suivre la formation du dojo. De grands groupes venaient du monde entier : Italie, Australie, Belgique, Brésil, États-Unis (curieusement, pas de France !). J’étais la seule représentante britannique.

L’expérience du stage Rencontre avec la Vie au dojo Oki-Do en 1984 a été un tournant décisif pour moi, et 40 ans plus tard, je suis toujours en contact avec certaines des personnes qui étaient là, partageant les hauts et les bas de la vie au dojo. Cela a créé des amitiés fortes et durables.

Vivre au dojo pendant deux mois impliquait d’expérimenter de nombreuses pratiques traditionnelles japonaises de guérison, notamment le jeûne, le Shiatsu, le yoga et l’utilisation des plantes médicinales. Cependant, à la fin du stage, je me suis rendu compte que je n’avais vu que l’intérieur du dojo et très peu du Japon extérieur. J’ai donc décidé de rester au Japon, d’aller à Tokyo et de passer plus de temps à explorer cette culture si unique.

J’ai vécu quelques mois dans une famille d’accueil avant de trouver un logement. Tout s’est rapidement mis en place. Lorsque je suis allée m’inscrire au consulat britannique à Tokyo, la fonctionnaire m’a demandé, en tamponnant mon passeport, si je cherchais un emploi. Mon argent commençait à manquer et le Japon était un endroit très cher à cette époque, alors j’ai répondu oui. Elle m’a donné le numéro d’une école de langues anglaises, en disant qu’ils cherchaient souvent des enseignants. Par chance, lorsque j’ai appelé, ils venaient de publier une annonce dans le Japan Times ce matin-là. J’ai été embauchée immédiatement et même formée au TEFL.

Une fois ma source de revenus assurée, j’ai repris mes études de Shiatsu, voulant remonter aux origines de cet art. Mon premier arrêt a été le centre Iokai, où Shizuto Masunaga, le créateur du Zen Shiatsu, avait enseigné. Le centre Iokai proposait des cours simples (principalement pour les étrangers !) sur les méridiens Zen et leur travail. Après avoir suivi un de ces cours, j’ai découvert que d’autres élèves de Masunaga donnaient des cours en dehors du centre Iokai. Cela m’a menée à Suzuki sensei, qui enseignait depuis sa maison en périphérie de Tokyo.

En plus des méridiens Zen de Masunaga, Suzuki sensei avait créé ce qu’on appelle aujourd’hui les « zones de Suzuki », un système de lignes horizontales sur le corps utilisé pour le diagnostic et le traitement. C’était un autre moyen de recevoir des informations du corps, et je trouvais cela utile à l’époque. Cependant, maintenant que je travaille avec le diagnostic émergent du Shiatsu en Mouvement, je ne les utilise plus.

C’est ce grand pas, ce choix d’être là où le Shiatsu est né, qui m’a fait comprendre que c’était ma voie dans la vie.

Nous parlerons bientôt de Suzuki sensei sur ce blog, donc nous n’allons pas trop en dire à son sujet. Kimura sensei, en revanche, est une légende du Shiatsu. Il a formé beaucoup de gens, mais nous ne savons pas grand-chose de lui. Quels souvenirs avez-vous de lui ? Comment était son enseignement ?

Je ne suis pas sûre que je le qualifierais de légende ! J’ai rencontré Kimura sensei pour la première fois lorsqu’il enseignait les cours de Zen Shiatsu au centre Iokai à Tokyo. Je ne sais pas grand-chose de lui – il semblait être une personne assez réservée et son anglais n’était pas très bon.
Cependant, par hasard, je l’ai revu il y a deux ans, lors de ma dernière visite au Japon. J’ai pensé qu’il serait agréable de recevoir un Shiatsu pendant que j’étais là-bas (puisque c’était la raison de mon voyage au Japon en 1984). On m’a donné son numéro, et j’ai réservé une séance avec lui. Pour être honnête, la séance, bien que plaisante, ressemblait presque exactement à celles des années 1980, et cela m’a fait prendre conscience à quel point le Shiatsu peut évoluer plus facilement en dehors de son pays d’origine. Par exemple, grâce au travail de maîtres comme Bill Palmer !

Je crois comprendre que vous êtes également allée en Australie, n’est-ce pas ?

Au dojo Oki, je m’étais liée d’amitié avec des Australiens qui m’ont dit : « Pourquoi ne viens-tu pas en Australie ? Viens voir les plages. » Alors, lorsque mon visa japonais a expiré, j’ai décidé de partir pour Sydney. Ce voyage s’est révélé être bien plus qu’une simple escapade à la plage, c’était aussi une continuation de mon parcours en Shiatsu. À cette époque, l’Australie offrait des visas Vacances-Travail pour les Britanniques, alors j’ai fait ma demande et j’ai pris la direction des antipodes. J’ai débarqué à Sydney avec l’adresse d’un ami du dojo dans ma poche, pensant n’y rester que peu de temps avant de retourner au Japon. Cependant, un tournant des événements a fait que je suis restée une année entière.

Et qu’avez-vous fait là-bas ? Vous n’êtes quand même pas restée sur la plage toute l’année, n’est-ce pas ?

Non, grâce à mon amie du dojo, Debbie, j’ai rencontré son professeur de Shiatsu à Sydney, un homme d’origine polonaise appelé Andrejz Gospodarczyk, qui dirigeait à l’époque le Zen Shiatsu Centre de Sydney. Quand il a appris que j’avais étudié le Shiatsu au Royaume-Uni et au Japon, il m’a dit : « Pourquoi ne viendrais-tu pas m’aider dans ma clinique ? » Je n’ai pas hésité une seconde et j’ai répondu : « Oui, pourquoi pas ? » J’ai commencé immédiatement à travailler dans la clinique aux côtés de Debbie.

Tout s’est une fois de plus mis en place pour que je fasse du Shiatsu. Je partageais une magnifique maison ancienne dans une banlieue juste de l’autre côté du port par rapport à la ville, et je prenais le ferry chaque jour pour me rendre à la clinique. J’ai pratiqué le Shiatsu presque quotidiennement. C’était une expérience formidable d’être intégrée à la vie d’une clinique, et j’ai beaucoup appris durant cette période. J’ai entendu dire, par des étudiants de Shiatsu en Mouvement en Australie, qu’Andrejz est toujours à Sydney. C’était un professeur très charismatique, et nous avons passé beaucoup de bons moments.

Cependant, lorsque mon visa a expiré, je me suis dit : « Il est temps de retourner au Japon », et c’est ce que j’ai fait.

Cette fois, j’ai repris contact avec des amis australiens du dojo Oki qui étaient restés à Tokyo. L’un d’eux était Peter Yates, originaire du Lancashire, qui avait gardé un fort accent du nord de l’Angleterre même après de nombreuses années en Australie. J’ai continué mes études avec Suzuki sensei, et j’ai rencontré Nigel Dawes, un Australien qui maîtrisait bien le japonais et qui avait commencé à enseigner le travail de Suzuki sensei aux étrangers. Il enseignait depuis sa belle maison traditionnelle japonaise, où j’ai également vécu quelque temps avec quelques Australiens.

Vers la fin de 1986, j’ai appris que mon jeune frère était gravement malade. Cela faisait presque trois ans que j’étais partie d’Angleterre, et j’ai su qu’il était temps pour moi de rentrer chez moi.

Que s’est-il passé lorsque vous êtes rentrée en Angleterre ? Avez-vous commencé à pratiquer le Shiatsu ou bien cherché à approfondir encore vos connaissances de cette technique ?

Pendant mon séjour au Japon et en Australie, j’avais continué à explorer différentes approches de la méditation. Une amie d’université m’a parlé de John Garrie Roshi, un enseignant de méditation Satipatthana. Aujourd’hui, on l’appelle Mindfulness / Pleine conscience, mais c’était bien moins connu dans les années 1980. Dès ma première rencontre avec John Garrie, j’ai su instinctivement que j’avais beaucoup à apprendre de lui. J’ai adoré son approche : accessible, ludique, et surtout ancrée dans la conscience corporelle.

Une grande partie de son enseignement consistait à amener la conscience sur les tensions corporelles et à introduire des façons de les relâcher par la respiration et le mouvement. Nous explorions aussi beaucoup les éléments, de manière joyeuse et créative.

Un jour, sachant que j’avais vécu au Japon, il m’a demandé quels étaient mes projets pour l’avenir. Je m’en souviens très bien, car, avec toute la confiance de la jeunesse, je lui ai répondu que je pensais tout savoir du Shiatsu et que j’envisageais de m’inscrire à une formation d’acupuncture ! Il m’a regardée pensivement et m’a dit : « Mmm, je pense que tu devrais rencontrer Sonia. »

C’est ainsi que je suis partie à Hereford pour rencontrer cette fameuse Sonia. Après notre rencontre et une séance de Shiatsu avec elle, j’ai compris combien j’avais encore à apprendre sur le Shiatsu et la guérison par le toucher. Je n’ai plus jamais envisagé de suivre une formation d’acupuncture.

Sonia Moriceau est un nom bien connu au Royaume-Uni, mais en France, elle est quasiment inconnue.

Terésa : C’est vrai. Sonia Moriceau, qui était française, faisait partie des premières élèves de Wataru Ohashi à New York. Étant donné qu’elle est une enseignante bien connue au Royaume-Uni et ailleurs, il est surprenant qu’elle soit si peu connue dans sa France natale. Ohashi savait qu’elle pratiquait la méditation avec John Garrie depuis longtemps et l’a encouragée à développer son propre style de Shiatsu, centré sur la méditation. Elle l’a appelé Healing-Shiatsu (Shiatsu de Guérison), car il intégrait une pratique personnelle et une réflexion intérieure profonde, en plus d’un travail créatif avec les cinq éléments de la médecine orientale.

Même après des années d’études au Japon et en Australie, son approche était complètement nouvelle et innovante pour moi. Sonia a été parmi les premières à mettre en place une formation de deux ans et demi en Shiatsu au Royaume-Uni. Comme je pratiquais déjà le Shiatsu depuis cinq ans, elle m’a proposé de rejoindre directement la deuxième année, mais j’ai choisi de suivre aussi la première, pour ne rien manquer des bases de sa méthode.

À l’époque, l’enseignement du Shiatsu était très intellectuel et théorique, mais pas avec Sonia. Par exemple, si nous étudions l’élément Eau, nous devions le chercher en nous-mêmes, nous immerger dans sa signification, l’explorer profondément en nous et dans le monde qui nous entoure, et apprendre à le contacter chez les autres à travers les méridiens. Cette approche expérientielle me plaisait beaucoup ; elle ajoutait une nouvelle dimension à tout ce que j’avais appris jusque-là.

J’ai terminé sa formation, obtenu mon diplôme en Healing-Shiatsu et commencé à pratiquer en tant que thérapeute en Shiatsu au printemps 1988. Après huit ans d’études, je me sentais enfin prête et confiante pour exercer cette discipline comme une véritable profession. J’ai continué à suivre les cours post-gradués et les retraites de méditation de Sonia pendant de nombreuses années. Malheureusement, elle n’est plus parmi nous.

Parlez-moi de vos débuts en tant que praticienne.

J’ai installé ma petite clinique de Shiatsu dans la ville de Northampton, dans les Midlands. J’avais transformé une pièce dans un style japonais que j’aimais beaucoup. Puis, un mariage m’a emmenée dans le nord-ouest de l’Angleterre, où j’ai établi une pratique florissante dans une petite ville appelée Todmorden. Je me sentais comme une pionnière du Shiatsu dans cette région.

L’accueil a été très positif, notamment grâce à un homme local qui, dans les années 1940, avait étudié l’acupuncture en Chine avant de revenir pratiquer à Todmorden. Son travail avait ouvert la voie à une acceptation et une confiance envers la médecine orientale. Je pratiquais le Shiatsu dans le même lieu où cet homme avait exercé l’acupuncture. Les gens voyaient rapidement les similitudes entre les deux approches.

À cette époque, j’avais aussi commencé à fonder une famille, partageant ainsi mon temps entre la pratique du Shiatsu et mon rôle de mère.

Je comprends tout à fait le défi que représente le fait d’avoir des enfants, car cela demande beaucoup de temps et d’énergie, mais malgré cela, vous avez décidé de continuer.
Oui, c’est intéressant que vous disiez cela, car après quatre ans dans le Nord-Ouest, nous avons décidé de retourner dans les Midlands, pour nous rapprocher des grands-parents. Heureusement, certains de mes anciens clients étaient ravis de revenir me voir, et mon activité de Shiatsu a rapidement prospéré à nouveau. Puis, lorsque mon fils avait environ un an, j’ai reçu une lettre, totalement inattendue, d’une école de Shiatsu basée à Birmingham. Ils avaient un groupe d’étudiants à Birmingham et un autre groupe parallèle à Londres, qui avaient tous deux terminé leurs deux premières années. Cependant, comme les deux groupes avaient diminué en effectifs, l’école a choisi de les fusionner pour que les étudiants puissent compléter leur dernière année en un seul groupe. Par chance, Northampton était à mi-chemin entre Londres et Birmingham, et ils m’ont invité à être l’assistante pour ce groupe. Cela tombait très bien, car mon fils devenait plus autonome, ce qui me permettait de dégager plus de temps pour cela. J’étais ravie de m’impliquer dans l’enseignement du Shiatsu – j’avais adoré enseigner l’anglais à des hommes d’affaires japonais.

En tant qu’assistante pour ce groupe et les suivants, je me suis vite rendu compte que je pratiquais le Shiatsu depuis plus longtemps que bon nombre des enseignants de Shiatsu qui venaient former le groupe. C’est à cette période que les diplômés de Healing-Shiatsu de Sonia étaient encouragés à rejoindre la UK Shiatsu Society. En y adhérant, je suis devenue membre d’un réseau plus large de Shiatsu au Royaume-Uni. J’ai fait du bénévolat au sein du comité chargé d’évaluer les diplômés pour la Shiatsu Society. Parallèlement, une enseignante de Shiatsu à Oxford m’a invitée à diriger une formation complète de Shiatsu avec elle. Cela m’a permis d’acquérir une grande expérience dans la planification, l’enseignement et l’évaluation des étudiants à tous les niveaux, et j’ai tout de suite pris goût à cela. J’ai également été invitée à enseigner dans des écoles de Shiatsu à Sheffield et Stratford-upon-Avon. J’ai adoré combiner l’enseignement les week-ends avec l’expérience pratique du travail en tête-à-tête avec les clients en semaine.

Bien que ma vie ait été bien remplie sur tous les fronts, c’était une période très heureuse, et je me sentais extrêmement chanceuse de pouvoir à la fois pratiquer en clinique et enseigner.

Vous voici à une nouvelle étape de votre parcours en Shiatsu, mais je sais que ce n’est pas la fin, car vous n’avez jamais cessé de vous former, et vous allez bientôt découvrir le Movement Shiatsu.
Oui, il y avait ce gars, Mike Craske, que j’ai rencontré lors d’un des ateliers de Sonia. Il m’a dit qu’il mettait en place un programme de licence (BA) en Thérapies Complémentaires à l’Université de Derby, avec une spécialisation en Shiatsu, et m’a demandé si je voulais enseigner les modules de Zen Shiatsu et de Pratique du Shiatsu. C’était une offre trop intéressante pour être refusée, alors j’ai accepté, et la première année du programme a débuté ce mois de septembre. À l’Université de Derby, j’enseignais désormais au sein d’une petite équipe, et j’ai apprécié de voir les différences et les similitudes dans l’enseignement à ce niveau.

Un jour, en regardant Mike enseigner la classe, j’ai remarqué qu’il utilisait une technique particulière. Elle semblait incroyablement efficace et pourtant très différente de ce à quoi j’étais habituée. J’ai demandé à Mike où il l’avait apprise, et il m’a répondu : « Bill Palmer m’a appris cela ! » Je me souviens qu’il démontrait un travail sur les articulations proximales de la hanche – c’est une technique remarquablement efficace que nous enseignons en Movement Shiatsu. J’ai immédiatement su que je voulais comprendre cette approche et travailler de cette manière. Cependant, à ce moment-là, Bill avait pris une pause dans le Shiatsu et ne proposait plus de formations, alors j’ai dû être patiente et attendre quelques années.

En 2007, Bill a recommencé à proposer des cours, et je me suis inscrite immédiatement et, honnêtement, je n’ai jamais regardé en arrière. L’approche Movement Shiatsu de Bill a ajouté une autre dimension à ma pratique. Elle est plus interactive qu’une séance de Shiatsu standard, et j’adore la plus grande implication du client dans la séance. Le client est placé au centre, encouragé à écouter et à remarquer son corps et ses besoins, et à demander ce dont il a besoin. Parfois, cela signifie que c’est le client qui guide la séance. C’est une inversion de la relation entre un thérapeute tout-puissant qui sait tout et un patient silencieux qui ne sait rien. Mais, bien plus que cela, cette approche explore la relation thérapeutique que nous avons avec nos clients et introduit une façon très différente de pratiquer le Shiatsu.

Cela amène à quoi en particulier ?

Je crois, et j’ai expérimenté cela de nombreuses fois avec des clients, que le simple fait d’exprimer un besoin dans le corps commence à ouvrir des possibilités de guérison. Cela demande au client d’être en contact avec lui-même. Le simple acte d’exprimer quelque chose que le client ressent dans son propre corps adoucit immédiatement les tissus. Si nous gardons tout en silence, nous nous privons de cette possibilité. Et ce que j’aime, c’est garder toutes les possibilités ouvertes devant moi.

Parle-moi du principe fondateur du Movement Shiatsu. Fais-tu du Shiatsu pour restaurer le mouvement du corps ou fais-tu du Shiatsu tout en laissant le corps bouger en même temps ?

Le titre « Movement Shiatsu » peut parfois être trompeur, mais je ne pense pas que Bill ait trouvé un meilleur nom pour son approche. Le mot « mouvement » est utilisé pour exprimer le fait que le client est actif et puissant au sein de la thérapie. Lorsque nous bougeons, nous avons le pouvoir d’agir, et ainsi le mouvement nous donne l’opportunité d’explorer et de travailler sur nous-mêmes plutôt que d’être traités passivement. De plus, le langage naturel du corps est le mouvement, et à travers ce langage, il peut exprimer ses besoins d’une manière que le client peut ressentir directement. Cela ne signifie pas que le client bouge tout le temps, mais plutôt qu’une problématique est explorée ensemble par le biais du mouvement.

Dis-moi ce que ce style ajoute aux autres.

J’avais été praticienne et enseignante en Zen Shiatsu pendant de nombreuses années, et je devenais de plus en plus consciente qu’il manquait quelque chose dans cette approche, quelque chose en rapport avec la relation entre le thérapeute et le client. Dans mes études au Japon, cela n’avait jamais été pris en compte – c’était davantage une question de praticien étant l’expert et le client restant passif. Le Healing-Shiatsu impliquait plus d’écoute de soi et du client, mais la relation de base entre le client et le thérapeute restait inégale. Bill a observé que le processus de diagnostic créait cette inégalité parce qu’il était mystérieux pour le client. Ainsi, dans le Movement Shiatsu, il n’y a pas de diagnostic préalable. Au lieu de cela, le thérapeute encourage le client à s’explorer à travers la sensation et le mouvement et à utiliser cette conscience pour choisir un point de départ pour la séance.

Ainsi, dès le début, le client se sent responsabilisé. Cela ne signifie pas que le thérapeute est passif ; il fait des observations et aide le client à prendre conscience de son corps, mais il veille à ne pas prendre les devants et à se concentrer sur l’assistance à l’exploration du client. Je trouve que la plupart des gens aiment vraiment devenir plus actifs dans la thérapie. Aussi, pour moi, en tant que thérapeute, cette approche est plus authentique. Je ne sais pas ce qui est le mieux pour une autre personne. Je préfère que la relation soit plus égale et être un guide plutôt qu’un médecin.

Après avoir suivi certains de vos cours de formation, je trouve cela très libérateur, car en même temps, vous ne faites pas n’importe quoi. Mais j’ai une dernière question pour vous : que diriez-vous à ceux qui veulent étudier le Shiatsu, notamment aux étudiants et futurs étudiants ?
Personnellement, j’espère que chaque étudiant en Shiatsu sera curieux non seulement de la théorie de la Médecine Orientale, mais aussi du corps en termes d’anatomie occidentale et, peut-être, le plus important, de la relation thérapeutique. Lorsque j’ai commencé, j’adorais simplement travailler avec les gens de cette manière, et je n’avais aucune idée que cela finirait par devenir ma carrière ! Dans les années 80, nous nous explorions nous-mêmes pour notre propre développement personnel et comme moyen de mieux comprendre le monde. J’ai un rêve pour que les enfants apprennent ces compétences à l’école et aient ensuite cette connaissance de soi comme ressource pour le reste de leur vie.

Jusqu’à ce que ce rêve devienne réalité, chaque étudiant en Shiatsu apporte une plus grande conscience de soi et de l’espoir à chaque personne qu’il touche. De nos jours, alors que nous sommes de plus en plus isolés du contact humain et que nous souffrons des conséquences des maladies mentales, il est d’autant plus vital de connecter les gens à travers notre toucher avec la grande ressource et le soutien de leurs corps.

Brillant, merci beaucoup pour cette magnifique conclusion.

Ahahah ! « Fini. Voilà. Merci. » (en français)

Ahahah, merci pour votre temps et pour la joie que vous apportez dans vos cours. Continuez aussi longtemps que possible. À bientôt.

« Au revoir »

Auteur-Traducteur

Ivan Bel

Correctrice

Abigail Maneché
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