Interview : Tzvika Calisar fondateur du Seiki Shiatsu

15 Nov, 2016
Reading Time: 8 minutes
C’est lors d’un tour du monde que Tzvika Calisar décide d’aller au Japon. Il a alors 23 ans et plus un sou en poche. On lui suggère de travailler à Tokyo et le voilà dans l’avion pour le Japon. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que sa rencontre avec le Shiatsu va changer sa vie de fond en comble. Portrait.

 

Bonjour Tzvika, pouvez me raconter comment vous avez découvert le Shiatsu ?

En 1985 alors que je faisais un tour du monde, j’étais en Amérique du Sud dans une situation un peu compliquée puisque je m’étais fait voler mon portefeuille et tous mes sous qui étaient dedans. On me conseilla alors d’aller au Japon, car à l’époque il était facile d’y trouver de petits boulots. C’est comme ça que je me suis retrouvé à Tokyo alors que je n’avais pas du tout prévu d’y aller. En allant au centre d’information touristique, j’y ai trouvé plein de choses, comme des ateliers de danse traditionnelle ou d’ikebana (art floral) et une foule de choses à faire. Mais j’ai été attiré par un stage de Shiatsu. Alors, je suis allé au Namikoshi Shiatsu College pour un essai qui était en fait le cours de débutant d’une durée de 3 mois, et là j’ai trouvé ça incroyable. Le plus surprenant pour moi c’est que j’aimais étudier, ce qui ne m’était jamais arrivé dans ma scolarité.

Mais la barrière de la langue n’était pas un problème pour étudier le Shiatsu ?

Non, parce qu’on étudiait surtout les bases et on faisait beaucoup de pratique. Donc, même si on ne comprenait pas avec les oreilles, on comprenait avec les yeux. Après cet essai je suis rentré en Israël. Mais très vite, le Shiatsu m’a manqué et du coup je suis rapidement retourné à Tokyo pour étudier au Shiatsu College. Mon professeur était Toru Namikoshi, le fils du fondateur qui, hélas, nous a quitté trop tôt. Je n’ai pu faire qu’une année, car ensuite les études en anatomie étaient trop poussées et mon niveau de japonais pas assez suffisant.

Je suis donc allé frapper à la porte de l’école Iokaï pour étudier le Zen Shiatsu, mais Masunaga senseï était décédé à cette époque. C’est Kimura senseï qui fut mon professeur pendant toute la formation. Et une fois que j’eu fini la formation, je l’ai recommencé une seconde fois, histoire d’approfondir les connaissances. Il faut savoir que le Zen Shiatsu n’était pas reconnu au Japon, alors la formation se résumait en deux modules de 3 mois chacun.

N’est-ce pas un peu court comme formation ?

Oui c’est pourquoi je l’ai recommencé. De plus, je faisais partie d’un petit groupe d’étudiants qui allaient chez Suzuki senseï. On avait une pièce minuscule avec un tout petit tatami pour nous entraîner, c’est pourquoi tout le monde ne pouvait intégrer ce groupe d’études. Mais je dois dire que ces cours quasi individuels m’ont bien aidé à progresser. L’enseignement y était différent. À ce sujet, il faut savoir qu’il y a toujours eu un problème dans l’enseignement du Zen Shiatsu. Masunaga était un maître extraordinaire, mais il est mort sans laisser une méthode d’enseignement. C’est pourquoi à travers le monde il y a presque autant de Zen Shiatsu qu’il y a d’écoles. Chacun a interprété à partir de ses cours et de ses livres. Mais rien n’est structuré côté enseignement, comme j’ai pu le constater après des années à parcourir le monde pour donner cours. Ce que j’affirme ici n’est pas une prise de position, c’est l’histoire de ce Shiatsu.

Êtes-vous rentré en Israël après avoir étudié à l’école Iokaï ?

Non, j’ai rencontré Ryokoyu Endo qui enseignait le Tao Shiatsu. J’ai passé deux ans avec lui et j’ai commencé des traitements à Kyoto. Pendant ces années-là, je me suis marié avec une Japonaise. Ce n’est finalement qu’en 1990 que je suis revenu à Tel-Aviv. À l’époque, je n’avais pas envie de trop travailler, juste faire quelques traitements et profiter de la vie. Vous savez, la plage n’est pas loin.

Mais après deux ans, un patient m’a demandé de lui enseigner le Shiatsu, alors j’ai commencé comme ça tout doucement, puis j’ai monté une école au bout de quelque temps et cela a grossi rapidement puisque j’avais une centaine d’étudiants.

C’est là où vous enseignez maintenant ?

Non (rires) ! En fait, avec ma femme et mes enfants on est retourné vivre au Japon. Là, j’ai ouvert une école de Shiatsu à Tokyo toujours avec Endo, de 2001 à 2007. Je peux vous dire qu’il n’y avait pas beaucoup d’étranger à enseigner le Shiatsu au Japon. J’ai partagé mon temps entre Tokyo et le Canada, les USA et l’Europe pendant la moitié de l’année et l’autre moitié entre Tokyo et l’Europe, à donner des cours et ouvrir des écoles. C’était un rythme de fou. Finalement, en 2007 je suis retourné vivre en Israël avec ma famille. J’ai donc cumulé 11 ans de ma vie au Japon au total.

Aujourd’hui vous enseignez le Seiki Shiatsu. Qu’est-ce que c’est ?

Avec les années de cours et de traitements, j’ai constaté qu’il y a un piège dans cette histoire de Yin et de Yang. On forge souvent le diagnostic sur la base de kyo et jitsu (vide et plein) et de Yin et de Yang. Alors que je pratiquais le Bouddhisme, un grand spécialiste du Bouddhisme m’a déclaré que tout cela était des bêtises, car il fallait savoir lâcher prise sur ce qui est écrit dans les livres. J’ai appliqué cela au Shiatsu. En effet, les vieux maîtres chinois n’avaient que quelques étudiants dans toute une vie. S’ils étaient si forts que ça, pourquoi n’acceptaient-ils que quelques étudiants ? Parce que l’essence de la technique est secrète et ne peut être divulguée à tout le monde. C’est pourquoi ce qui se trouve dans les livres n’est que la face publique de l’acupression et de l’acupuncture. C’est pour tout le monde, mais l’enseignement est bien plus profond que ce que l’on ne pourra jamais lire.

Lorsqu’on cherche ce qui ne va pas dans un corps, les vides et les pleins, on se connecte à ces déséquilibres parce qu’on y porte de l’attention et on entre en résonance. Cette intention de trouver les déséquilibres est dangereuse et les praticiens aujourd’hui cherchent tous à rééquilibrer ou réparer les personnes. Ce n’est pas bon, car on ne fait que renforcer ces aspects-là.

Pourtant, rééquilibrer une personne lui permet de retrouver une bonne circulation énergétique ?

Vous savez ce que Masunaga disait ? Que le méridien kyo permet d’évacuer l’énergie négative profonde et que le méridien jitsu permet d’évacuer l’énergie malicieuse de surface. En les équilibrant, ne perturbe-t-on pas les mécanismes d’auto-guérison du corps ?  Il faut voir au-delà de ces soi-disant déséquilibres et chercher l’énergie primaire, primordiale. C’est ce que j’ai appelé le Seiki (que l’on peut comprendre comme étant l’énergie primaire). Il faut se connecter à ce qui existait avant la séparation du Yin et du Yang, à l’énergie première, celle de l’unité. En cherchant dans les livres, j’ai trouvé un mot en Araméen qui signifie cet état des choses : tahiro. Je cherche à ramener la personne dans cet état en libérant son Seiki.

Comment trouve-t-on le Seiki si on ne se base pas sur le méridien jitsu et le kyo ?

Il faut trouver parmi les 14 méridiens de base, le méridien qui contient le Seiki. Cela change selon les situations et les individus. Mais tout dépend de l’intention et du cœur que l’on a en tant que praticien. Si l’intention est de réveiller les forces d’auto-guérison du receveur, alors elle se connecte avec le méridien porteur de l’énergie Seiki. On ira alors profondément dans ses tsubos en ne sachant rien, en ne voulant rien sauf libérer le Seiki. Vous savez qu’il y a trois couches dans les tsubos. La plus profonde contient le Seiki.

Il ne faut pas juger. Le diagnostic aujourd’hui est une forme de jugement. Mais on n’en sait rien, car chaque cas est unique. D’ailleurs, vous savez ce que veulent dire les premières phases du diagnostic oriental, Bonshin, Bunshin, etc. Shin c’est le cœur. Il faut donc chercher et sentir avec le cœur, qui lui porte votre intention. Alors, le cœur du patient réagit à cette intention de votre propre cœur et les deux se mettent en harmonie et s’aident mutuellement. C’est une question de fréquence finalement. Il faut donc accepter que l’on ne sait pas grand-chose, de s’accepter tel que l’on est pour accepter le patient tel qu’il est et que son traitement ne dépend pas que de nous. Alors, tout viendra naturellement.

Merci beaucoup Tzvika pour toutes ces explications.

Avec plaisir.

Ivan Bel

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